jeudi 19 janvier 2017


"Il n'y a pas d'honneur là où ne règne pas la liberté de jugement. Rien n'est déshonorant. S'il est dans l'esprit d'un homme une idée souveraine, une foi qui peut rendre honorables les pires cruautés, les pires trahisons, les pires mensonges, il n'y a pas d'honneur dans cette âme-là."

***

Bien le bonjour les aminches. 

Il est un exercice créatif que j'affectionne particulièrement.

Remonter à l'embranchement, au tournant décisif et imaginer une histoire différente. Si Napoléon avait remporté sa campagne de Russie ? Si Cléopâtre avait eu le nez plus court ? Si mon oncle en manquait, il serait ma tante ?

L'uchronie. 

Parmi les uchronies, il y en a une qui est un peu la Rolls des déviations de l'historiquement exact : et si les nazis avaient gagné la guerre ?

On ne compte plus les visions cauchemardesques d'un monde aryanisé. FATHERLAND, au hasard, de Robert Harris qui lance un enquêteur sur les traces d'un tueur en série qui dézingue les caciques du régime hitlérien et qui va mettre à jour le grand secret du Reich. Excellent bouquin que je vous conseille. 

Et puis...

Bien sûr...

LE MAÎTRE DU HAUT CHÂTEAU du grand K Dick.

Grand Dickien devant l'éternel, je dois confesser une incompréhension (que j'ai déjà exprimée) devant le seul prix Hugo de la carrière prolifique de Dick, son bouquin le plus fa(u)meux. Je défie quiconque d'entraver quelque chose à la fin totalement azimutée du livre, il n'y a rien à comprendre et on reste songeur devant cette entourloupe Dikienne.

A tout prendre, pour l'instant, je préfère encore son adaptation.


Les puissances de l'axe ont donc remporté la deuxième guerre mondiale grâce au monopole allemand sur la bombe atomique qu'ils ont balancée sur les USA pour forcer l'Oncle Sam à l'Armistice.

Les Etats-Unis sont divisés entre le Reich allemand et l'empire nippon. Mais tout espoir n'est pas mort, des films pirates circulent montrant une réalité alternative où les Alliés ont gagné la guerre. Film d'un réalisme bluffant, au point que la frontière entre rêve et réalité se trouble.

Ces films sont l'oeuvre de Hawthorne Abendsen qui se fait surnommer le maître du haut château (The man in the high castle en vo).

Pourquoi Hitler (malade, agonisant lentement à plus de 70 ans) tient-il tant à mettre la main sur ces films et leur réalisateur ? 

Voilà quasimodo les grandes bases de l'univers touffu de la série d'Amazon qui après une première saison foutrement réussie doit passer le test de la saison 2, toujours délicat. 

On tremble un poil en visionnant le début poussif de ce deuxième opus. Les différents segments du récit ne se valent pas, ainsi que les acteurs y évoluant. 


Si Alexa Davalos, s'en sort honorablement dans le rôle de la frémissante et télégénique Julian Crain qui cherche à empêcher une apocalypse nucléaire. 

Cary-Hiroyuki Tagawa est plutôt pas mal dans le costume du ministre du commerce japonais Tagomi, roide et monolithique comme un shoot de saké. 

C'est d'ailleurs là l'une des rares faiblesses de la série, cet emprisonnement des japonais dans le carcan serré de l'honneur samouraïsé à l’extrême. Un brin caricatural.

Rufus Sewell est toujours impeccable en obienafhjjkfuhrer machin truc (c'est la plaie ces grades SS) Smith. Un sacré fils de putois mais qui va se révéler moins jusqu'au boutiste que d'autres. Un trauma familial l'aidant (peut-être ????? Cela reste sujet à caution) à retrouver un noyau d'empathie élémentaire.

En revanche, j'ai plus de mal avec Rupert Evans, clone aléatoire de Brad Pitt, que je trouve un peu limité ou son arc narratif qui est plus pauvre ou bien les deux.

Les premiers épisodes de la saison 2 sont longuets mais quand les show runners ont la bonne idée de hisser le niveau géopolitique du bouzin, la série prend de l'ampleur et se frénétise.

THE MAN IN THE CASTLE 2 finit en trombe et rattrape largement son coup de mou préambulaire. 

Pour l'instant, cette série vaut amplement le coucou. 

Pour l'instant...

Car entre l'apparition de Hawthorne Abendsen (démiurge tout puissant ? Médium ?) et une hypothèse, de plus en plus prégnante, de réalité parallèle, on obtient pour le moment un cocktail savoureux mais qui, s'il dure trop en bouche, pourrait se révéler lassant et finir en bol de riz (pardon).


On joue à se faire peur les filles. 

On le sait bien qu'Hitler et sa clique ont fini dans les chiottes de l'Histoire. 

Mais quand il s'agit d'une uchronie prospective ?



Sept cents ans après la victoire d'Hitler, l'Europe est soumise à l'idéologie nazie. 

Les étrangers servent de main-d'oeuvre servile, les femmes de bétail reproducteur, le progrès technique est interdit dans une société exclusivement agraire. 

Alfred, un jeune anglais en pèlerinage, est mis au courant par le chevalier von Hess de l'existence d'une chronique retraçant l'histoire de l'ancien monde...





Impressionnant ce livre. 

Paru en 1937. 

A l'époque, beaucoup s'accrochait encore à l'hypothèse d'une paix préservée sur le continent, au prix de renoncements coupables face à la mégalomanie d'Hitler.

Il fallait un sacrée vision et un courage certain pour oser écrire un brûlot pareil, même si'l fut édité un premier temps sous pseudonyme. 

1937 les filles. Une victoire finale des Nazis est alors une hypothèse probable. Il ne s'agit plus de se foutre gentiment les miquettes sachant le fin mot mais de serrer les fesses et tout ce que l'on peut serrer.

SWASTIKA NIGHT  est un manifeste. Féministe en premier lieu. la misogynie étant fort répandue, je dirais même qu'il s'agit d'un ressort intime commun aux religions, systèmes de pensées, idéologies etc. Les femmes sont abruties à bouffer du foin ou bien perverses et porteuse de la fin de toutes choses si on n'y prend garde. 

"Aucune humanité.
Bien sûr, les femmes n'ont pas d'âme et ne font par conséquent pas partie du genre humain."

A vrai dire, on pourrait fort bien s'en passer si ce n'était leur matrice obscure et indispensable pour enfanter. Des garçons de préférence. 

Cette vision de femmes reléguées à leur unique fonction reproductrice n'est pas une vue de l'esprit d'une virago désenchantée. Les centres Lebensborn existaient bel et bien dans l'Allemagne nazie où la race suprême devait voir le jour et pallier à disons l'image un brin décalée des élites nazie, Hitler bedonnant parkinsonien, Göring obèse morphinomane, Goebbels au pied bot etc... On est pas vraiment raccord avec l'aigle teutonique triomphant


Katharine Burdekin, anglaise et progressiste, ne délivre pas avec SWASTIKA NIGHT, un livre SF pur jus mais plutôt un conte philosophique à la Zadig. 

Un dialogue entre un chevalier nazi, qui ne peut se défaire totalement de ses préjugés racialistes quand bien même il sait que ceux ci reposent sur un mensonge d'état, et un jeune mécano anglais, esprit libre, qui par un effort de pensée démentiel arrive à s'extirper du joug intellectuel sous lequel il vit depuis toujours. 

On ne peut s'empêcher de saluer le courage et l'intolérable actualité du livre de Katharine.

Et de rapprocher les deux œuvres, la série et le livre, qui reposent toutes les deux, in fine, sur un acte de générosité pure, une foi en notre part irréductible d'humanité.

Rien que pour ça... 

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