"Les protagonistes de 1914 étaient des somnambules qui regardaient sans voir, hantés par leurs songes mais aveugles à la réalité des horreurs qu'ils étaient sur le point de faire naître dans le monde."
Bonjour les filles.
Bon.
Me rendant comptant de la pesanteur certaine de mon dernier post sur le trafic de drogue et les tortures afférentes. Je me suis dit qu'un peu de légèreté ne pourrait pas faire de mal.
C'est pourquoi, je comptais vous parler de...
... La Première guerre mondiale.
...
...
Ahem...
Le 28 juin 1914, dans Sarajevo écrasée de soleil, un certain Gavrilo Princip se réfugie à l'ombre d'un auvent pour guetter le cortège officiel de l'archiduc François-Ferdinand...
Cinq semaines plus tard, le monde plonge dans une guerre qui entraînera la chute de trois empires, emportera des millions d'hommes et détruira une civilisation.
Pourquoi l'Europe, apparemment prospère et rationnelle, était-elle devenue si vulnérable à l'impact d'un unique attentat...
Très bien. Je vous l'accorde les aminches. La légèreté, on attendra.
Dans ce cas, pourquoi ne pas se lancer dans une traque. Une chasse. Celle aux idées reçues ?
C'est à ce genre de battue universitaire que nous convie l'historien britannique Christopher Clark qui s'emploie dans sa somme monumentale et érudite à rebattre les cartes d'un imaginaire préconçu.
Jusque là, rameutant mes souvenirs brumeux de collège et lycée, la mal nommée Der des Der fut causée non pas tant par l'assassinat politique de l'héritier de l'empire Austro-Hongrois que par le jeu des alliances implacables dans leurs pures mécaniques irrémédiables.
L'Autriche Hongrie demande des comptes à la Serbie dont le meurtrier est ressortissant, La Russie allié de la Serbie mobilise, La France alliée de la Russie et l'Angleterre alliée de la France suivent le mouvement.
L'Allemagne du Kaiser, savourant l'achèvement d'un plan ourdi dans les ténèbres déclare à son tour la guerre à la suite de l'Autriche Hongrie.
Et le monde s'embrase.
La triple entente donc (France, Angleterre et Russie, les gentils) contre la Triple Alliance (Les Allemands, les Austro-Hongrois et pour un temps avant de rallier le camps des vainqueurs, l'Italie ; les méchants).
Car l'autre préjugé qui dure c'est que l'Allemagne belliqueuse, piaffait d'envoyer ses spadassins ravager l'Europe pour se tailler la part de l'Aigle et accéder enfin au statut de méga puissance jusque là refusé.
Bien.
Christopher Clark démonte ce précieux château de carte pré pensé consciencieusement.
Le jeu fluide des alliances impossible à enrayer ? Les autres crises européennes pré 14-18 n'ont pas manqué et elles n'ont pas débouché sur une boucherie généralisée. Les Etats ont su se calmer les uns les autres et envoyer chier quand il le fallait les alliances censément coulées dans le marbre.
Oui mais là c'est un empereur présomptif que l'on assassine quand même, ce n'est pas la crisette du coin.
Certes. Mais le prince héritier François Ferdinand, neveu de l’empereur Joseph était aussi populaire qu'un rappel d’impôt. C'est bien pour cela que l'on parle de l'attentat de Sarajevo d'ailleurs. On ne mentionne pas l'attentat de Dallas quand on évoque JFK...
Clark va plutôt creuser du côté Serbe et son gouvernement belliqueux et agressif, soutenu par les Russes, qui portent itou une lourde responsabilité dans l'escalade, obsédés qu'ils sont par les détroits du Bosphore et des Dardanelles, un conflit généralisé leur semblant le prétexte rêvé (et à vrai dire le seul à leurs yeux) pour s'en emparer.
N'omettons point l'inconséquence française qui ne cherche jamais à freiner son allié russe (bien au contraire) ni l'incohérence anglaise, cherchant à tout prix à se préserver tout en poussant à la guerre, au point que l'on n'y comprend goutte.
Sauf à lire le livre touffu de Clarke, touffu mais jamais confus et c'est une réelle gageure tant le pavé pouvait sembler rébarbatif à première vue.
Attention les filles, point de romance ici, c'est un vrai livre d'histoire, factuel et documenté.
Cependant, quel talent pour nous faire revivre une époque, un machisme déconcertant où la virilité du gros kiki qui ne débande pas peut pousser à la guerre (tant que c'est pas le Cabinet et la Cour de Ses Excellences qui iront se battre hein...), les haines tenace et rassies, le présupposé infernal que la guerre est de toutes manières inévitable (comme prophétie auto réalisatrice on ne fait pas mieux) et qu'il vaut mieux la faire tout de suite tant qu'on est en position de force.
Là est la tragédie de cette diplomatie de l'été 1914, on ne se pense qu'entre soi, on n'envisage pas l'autre ou bien en des termes si partiaux qu'on nage en pleine schizophrénie. On se croit toujours plus prêts que le voisin, on bouge ses lignes, ses panzers, ses locomotives sans envisager un seul instant la réplique tactique de l'adversaire.
Enfin, même s'il est aisé de se pousser du col grâce à notre position de recul historique, il est difficile de nier les grandes défaillances des visions stratégiques des hommes d'états en place : surestimation invraisemblable de la puissance russe que l'on voyait durer mille ans (ouch...) ; le bluff comme vision : l'autre finira bien par se coucher (cf le gros kiki) ; le contentement anticipé face aux reste de l'empire austro-hongrois à se partager (ça tout le monde levoyait venir voulait).
De toutes façons, c'est fatalement çui d'en face qui sera responsable devant le fameux tribunal introuvable de l'Histoire et de la mémoire des hommes.
Ce n'est pas nous, c'est eux.
Au fait, qui gouverne ? Les têtes couronnées, les chanceliers, les ministres des affaires étrangères, les ambassadeurs ? Tout le monde en même temps. Un foutoir équivoque, qui fait que l'on ne sait jamais quel camp belliciste ou modéré est en pole sur la grille, ce qui entraînera des méprises funestes.
Étayée par une langue précise et point trop sèche pour ce type d'ouvrage (ce qui est à souligner), l'analyse de Clarke se lit sans difficulté, avec un plaisir non dissimulé pour cel(ui)lle qui tenterait l'aventure.
Alors ?
Quel est le coupable ?
Ok ok.
D'accord.
L'Allemagne était belliciste et paranoïaque.
Mais pas plus que les autres.
"Le déclenchement de la guerre de 1914 n’est pas un roman d’Agatha Christie à la fin duquel nous découvrons le coupable, debout dans le jardin d’hiver, un pistolet encore fumant à la main. Il n’y a pas d’arme du crime dans cette histoire, ou plutôt il y en a une pour chaque personnage principal."
Bon.
Me rendant comptant de la pesanteur certaine de mon dernier post sur le trafic de drogue et les tortures afférentes. Je me suis dit qu'un peu de légèreté ne pourrait pas faire de mal.
C'est pourquoi, je comptais vous parler de...
... La Première guerre mondiale.
...
...
Ahem...
Le 28 juin 1914, dans Sarajevo écrasée de soleil, un certain Gavrilo Princip se réfugie à l'ombre d'un auvent pour guetter le cortège officiel de l'archiduc François-Ferdinand...
Cinq semaines plus tard, le monde plonge dans une guerre qui entraînera la chute de trois empires, emportera des millions d'hommes et détruira une civilisation.
Pourquoi l'Europe, apparemment prospère et rationnelle, était-elle devenue si vulnérable à l'impact d'un unique attentat...
Très bien. Je vous l'accorde les aminches. La légèreté, on attendra.
Dans ce cas, pourquoi ne pas se lancer dans une traque. Une chasse. Celle aux idées reçues ?
C'est à ce genre de battue universitaire que nous convie l'historien britannique Christopher Clark qui s'emploie dans sa somme monumentale et érudite à rebattre les cartes d'un imaginaire préconçu.
Jusque là, rameutant mes souvenirs brumeux de collège et lycée, la mal nommée Der des Der fut causée non pas tant par l'assassinat politique de l'héritier de l'empire Austro-Hongrois que par le jeu des alliances implacables dans leurs pures mécaniques irrémédiables.
L'Autriche Hongrie demande des comptes à la Serbie dont le meurtrier est ressortissant, La Russie allié de la Serbie mobilise, La France alliée de la Russie et l'Angleterre alliée de la France suivent le mouvement.
L'Allemagne du Kaiser, savourant l'achèvement d'un plan ourdi dans les ténèbres déclare à son tour la guerre à la suite de l'Autriche Hongrie.
Et le monde s'embrase.
La triple entente donc (France, Angleterre et Russie, les gentils) contre la Triple Alliance (Les Allemands, les Austro-Hongrois et pour un temps avant de rallier le camps des vainqueurs, l'Italie ; les méchants).
Car l'autre préjugé qui dure c'est que l'Allemagne belliqueuse, piaffait d'envoyer ses spadassins ravager l'Europe pour se tailler la part de l'Aigle et accéder enfin au statut de méga puissance jusque là refusé.
Bien.
Christopher Clark démonte ce précieux château de carte pré pensé consciencieusement.
Le jeu fluide des alliances impossible à enrayer ? Les autres crises européennes pré 14-18 n'ont pas manqué et elles n'ont pas débouché sur une boucherie généralisée. Les Etats ont su se calmer les uns les autres et envoyer chier quand il le fallait les alliances censément coulées dans le marbre.
Oui mais là c'est un empereur présomptif que l'on assassine quand même, ce n'est pas la crisette du coin.
Certes. Mais le prince héritier François Ferdinand, neveu de l’empereur Joseph était aussi populaire qu'un rappel d’impôt. C'est bien pour cela que l'on parle de l'attentat de Sarajevo d'ailleurs. On ne mentionne pas l'attentat de Dallas quand on évoque JFK...
Clark va plutôt creuser du côté Serbe et son gouvernement belliqueux et agressif, soutenu par les Russes, qui portent itou une lourde responsabilité dans l'escalade, obsédés qu'ils sont par les détroits du Bosphore et des Dardanelles, un conflit généralisé leur semblant le prétexte rêvé (et à vrai dire le seul à leurs yeux) pour s'en emparer.
N'omettons point l'inconséquence française qui ne cherche jamais à freiner son allié russe (bien au contraire) ni l'incohérence anglaise, cherchant à tout prix à se préserver tout en poussant à la guerre, au point que l'on n'y comprend goutte.
Sauf à lire le livre touffu de Clarke, touffu mais jamais confus et c'est une réelle gageure tant le pavé pouvait sembler rébarbatif à première vue.
Attention les filles, point de romance ici, c'est un vrai livre d'histoire, factuel et documenté.
Cependant, quel talent pour nous faire revivre une époque, un machisme déconcertant où la virilité du gros kiki qui ne débande pas peut pousser à la guerre (tant que c'est pas le Cabinet et la Cour de Ses Excellences qui iront se battre hein...), les haines tenace et rassies, le présupposé infernal que la guerre est de toutes manières inévitable (comme prophétie auto réalisatrice on ne fait pas mieux) et qu'il vaut mieux la faire tout de suite tant qu'on est en position de force.
Là est la tragédie de cette diplomatie de l'été 1914, on ne se pense qu'entre soi, on n'envisage pas l'autre ou bien en des termes si partiaux qu'on nage en pleine schizophrénie. On se croit toujours plus prêts que le voisin, on bouge ses lignes, ses panzers, ses locomotives sans envisager un seul instant la réplique tactique de l'adversaire.
Enfin, même s'il est aisé de se pousser du col grâce à notre position de recul historique, il est difficile de nier les grandes défaillances des visions stratégiques des hommes d'états en place : surestimation invraisemblable de la puissance russe que l'on voyait durer mille ans (ouch...) ; le bluff comme vision : l'autre finira bien par se coucher (cf le gros kiki) ; le contentement anticipé face aux reste de l'empire austro-hongrois à se partager (ça tout le monde le
De toutes façons, c'est fatalement çui d'en face qui sera responsable devant le fameux tribunal introuvable de l'Histoire et de la mémoire des hommes.
Ce n'est pas nous, c'est eux.
Au fait, qui gouverne ? Les têtes couronnées, les chanceliers, les ministres des affaires étrangères, les ambassadeurs ? Tout le monde en même temps. Un foutoir équivoque, qui fait que l'on ne sait jamais quel camp belliciste ou modéré est en pole sur la grille, ce qui entraînera des méprises funestes.
Étayée par une langue précise et point trop sèche pour ce type d'ouvrage (ce qui est à souligner), l'analyse de Clarke se lit sans difficulté, avec un plaisir non dissimulé pour cel(ui)lle qui tenterait l'aventure.
Alors ?
Quel est le coupable ?
Ok ok.
D'accord.
L'Allemagne était belliciste et paranoïaque.
Mais pas plus que les autres.
"Le déclenchement de la guerre de 1914 n’est pas un roman d’Agatha Christie à la fin duquel nous découvrons le coupable, debout dans le jardin d’hiver, un pistolet encore fumant à la main. Il n’y a pas d’arme du crime dans cette histoire, ou plutôt il y en a une pour chaque personnage principal."
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