vendredi 9 septembre 2016


"C’est un crime pour un professeur de trahir son élève."

***

Salutations les filles. 
J'en avais des images à mettre en exergue. De jolies vues sur les barbelés de Checkpoint Charlie, des chapeaux mous, des mains sur un échiquier etc. Toutes ces illustrations pour rappeler cette époque où les USA et l'URSS cherchaient à se mettre sur la tronche, en mode feutré...

Et le nerf de la guerre les aminches, ce sont les Services Secrets. KGB vs CIA. On était loin des prouesses athlétiques d'Ethan Hunt, plus proche du coup d'après, du chantage, de la manipulation de haut vol que d'une balle dans la rotule et un saut périlleux sur un avion en plein vol.  

Et à ce petit jeu, Robert Littell est l'un des maîtres : 



Le Potier n’a pas le choix : il doit vendre son dernier agent dormant se cachant aux États-Unis, ou il finira exilé au fin fond de la Sibérie. 

Cet ancien espion du KGB a été piégé par Frances et Caroll, deux agents de la CIA qui veulent réaliser le coup de leur carrière : utiliser le Dormant pour tuer un politicien américain et faire porter le chapeau à l’URSS. 

Pris de remords, le Potier tente d’empêcher son agent de commettre un meurtre dont les retombées, en pleine guerre froide, seraient catastrophiques.





Bien sûr quand on songe à roman d'espionnage léonin et sérieux, genre l'exact opposé d'un SAS qui culbute à Istanbul, on pense immanquablement à John Le Carré et son espion qui venait du froid, sa taupe etc.

Certes LA TAUPE est un véritable sommet du roman d'espionnage mais anglais. Terriblement (et génialement) anglais. Robert Littell est américain et il a une écriture plus directe, moins détournée, ce qui ne veut pas dire que sa plume manque de subtilité, très loin de là...

Quand Le Carré s'attarde sur les codes, barrières et coutumes (castratrices) britanniques, Littell se concentre plus sur le déroulé propre de l'histoire. Là où il apporte un réel supplément, c'est qu'il ajoute une bouffonnerie, un sens du grotesque, dans cette espionnite aiguë. Il démonte avec un superbe absurde ces complots et plan ourdis dans l'ombre par des experts en flanelle se moquant bien des retombées, des morts adjacentes, des vies brisées subséquentes.

Littell ne choisit pas son camps, il met soigneusement dos à dos les deux superpuissances. 

Que ce soit l'Oncle Sam : 

" «Tous les hommes naissent égaux» excluait les Noirs. Il a fallu une guerre civile pour les intégrer au courant d'idéalisme de la nation."

Ou bien le plantigrade russe : 

"Il n'y a pas beaucoup de voitures à voler en Russie. Très peu de criminalité, dans le sens habituel du mot - vols à main armée, hold-up, cambriolages. Par contre tout le monde vole l'État dès que l'occasion se présente. Les gens travaillent moins, et ils acceptent le même salaire. Ils demandent des pots-de-vin pour faire ce qu'ils sont censés faire de toute façon. Si vous voulez, le crime n'existe pas, mais la corruption bat son plein."

Robert déploie une savoureuse machination, double, avec des personnages haut en couleurs : deux vieux garçons crypto-gais qui conspirent comme d'autre jouent au Puissance Quatre ; un agent dormant adepte des plans culs à trois ; un vieux maître espion, potier à ses heures, moche comme un gnome accidenté...

Il est très fort l'ami Bob, sa machinerie implacable nous amène à un dénouement inéluctable, où le moindre tic de ses héros fait sens. 

Un roman finement ciselé et superbement écrit. 

"Pour apprécier le voyage il ne faut pas avoir envie d'arriver où on va." écrit Robert Littell.

Ce n'est pas toujours vrai...

0 commentaires :

Enregistrer un commentaire