"Une civilisation extraterrestre décide d'envahir la Terre. Pour bien montrer que toute résistance est inutile les envahisseurs décident de rayer plusieurs capitales de la carte : Londres, New York, Paris, Moscou etc.
Puis ils se positionnent sur la ligne verte entre Israël et Palestine, ils demandent alors aux belligérants millénaires de déposer les armes.
Et bien, quelques mois plus tard, je peux vous assurer que toute votre sympathie va aux Aliens !"
C'est par cette plaisanterie acide que la toute nouvelle Baronne Nessa Stein, fraîchement anoblie par The Queen, entame ses discours. Nessa est la fille d'Eli Stein, surnommé "l'épée d’Israël", ancien fabricant d'arme, qui a surarmé Tsahal en son temps. Eli est mort assassiné sous les yeux de sa fille Nessa et de son fils Ephra.
Les enfants Stein ont décidé de reconvertir l'empire Stein et de se lancer dans la communication, Internet et ses câbles, et de financer diverses ONG et fondations philanthropique. Un virage complet de stratégie, un rachat, une expiation.
Nessa Stein est désormais à la tête de la méga corporation familiale et cherche éperdument à conserver un équilibre incertain entre intérêts palestiniens et israéliens.
Nessa est une femme honorable.
C'est aussi le titre d'une remarquable mini série anglaise.
A qui peut on se fier, nous susurre Nessa dans le générique ? Toute la problématique de THE HONORABLE WOMAN tient dans cette question. A qui accorder sa confiance ? Y'a-t'il seulement quelqu'un à qui l'accorder ?
Mon beau beau frère déplorait récemment cette tendance sérielle lourde à magnifier les salauds, à montrer de sacrés enfoirés sous un visage plutôt avenant : Dexter, Hannibal Lecter, les 3/4 du casting de GOT, Walter White etc.
Et bien voilà une héroïne positive, pleine de bons sentiments qui n'est pas une cruche. Loin d'être exemplaire, elle trimbale sa part d'ombres, de secrets mais elle essaye vaille que vaille de conserver son noyau irréductible d'humanité, de ne pas brader ses convictions, de ne pas se renier.
Ce n'est pas facile. Il est bien plus aisé d'envoyer chier son empathie et de démembrer son prochain finalement.
L'âme de Nessa vacillera grandement lorsque la phase 3 de son projet de connecter la Palestine à internet est enclenchée. Son partenaire est suicidé et l'un de ses proches est kidnappé.
Oubliez HOMELAND les aminches, HW est infiniment mieux, plus subtile, tout aussi haletante et sans le tremblé de menton de Carrie Mathison.
Nessa Stein est magnifiée par son interprète :
Maggie Glyen heu gla heu Gyllenhaal, mais on va l'appeler Maggie hein. Maggie prête ses grands yeux et sa beauté non bimbolesque à Nessa Stein. Elle livre une composition impeccable, tout en retenue, entre déchirement et révolte. Grande compo vraiment.
Je mentionne aussi Stephen Rea :
Avec sa tête de Droopy et son ton doucereux, avalant les couleuvres, supportant sarcasme et mépris pour avoir mérité son poste de chef de la section Moyen Orient au MI6 en couchant avec sa supérieure. La promotion canapé inversée. A faire frémir Zemmour dans ses Birkenstock.
Subtile interprétation, toute en finesse, d'un homme plutôt veule et couard qui va se révéler bien plus courageux et intelligent qu'on ne le supposait à l'origine.
Tout le reste du casting est à l'avenant et se met au service d'un script diabolique qui déroule son tempo implacable, sans multiplier les retournements de sloub artificiels et agaçants sur une mise en scène élégante, ample et nerveuse quand il le faut.
Sur un terrain particulièrement miné, ce Moyen Orient compliqué, THE HONORABLE WOMAN réussit l'exploit de conserver une note juste, mesuré et impartiale tout en nous rivant à notre canapé.
Une série beaucoup plus qu'honorable.
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