samedi 17 octobre 2015


Bien le bonjour les aminches. 

Je ne sais pas vous mais pour ma part, je pense rarement aux origines du transport en commun que j'emprunte.

Habitant Bordeaux, je ne prends jamais le métro mais il m'est arrivé de monter dans une telle rame à Paris ou ailleurs. Et je ne me dis jamais que c'est quand même phénoménal de pouvoir relier le point A au point B sous terre. je ne pense jamais à ceux qui l'ont creusé ce tunnel. 

Enfin... Je n'y pensais jamais.

New York, 1916. Des terrassiers creusent les tunnels du métro sous l'East River. Des noirs, comme Nathan Walker, venu de sa Géorgie natale, des Italiens, des Polonais, des Irlandais... Pendant les dures heures de labeur dans les entrailles de la terre, une solidarité totale règne entre eux. 
Mais, à la surface, chacun garde ses distances, jusqu'au jour où un accident spectaculaire établit entre Walker et un de ses compagnons blancs un lien qui va sceller le destin de leurs descendants sur trois générations.

Manhattan, 1991. Sous le bourdonnement de la ville, Treefrog, qu'un secret honteux a réduit à vivre dans ces mêmes tunnels, endure les rigueurs d'un hiver terrible, aux côtés d'autres déshérités réfugiés dans ce monde obscur.

Colum McCann, écrivain d'origine irlandaise (c'est quand même dingue le nombre d'écrivains talentueux que fournit cette petite île battue par les vents) déploie ici une fresque de presque 80 ans. 

Il nous invite à regarder les rails, les immeubles  les tunnels et à se rappeler les hommes qui ont bâtis ces structures ; osons le gros mot : la classe ouvrière.

On assiste effaré à ce travail de titan de creuser sous un fleuve, pour joindre deux rives. Cela nous vaut une scène proprement dantesque au début du récit, un grand moment de littérature.

Quitte à choisir un damné de la terre, autant le chercher dans les cercles les plus profonds de l'enfer : ouvrier noir en ce début de XXème siècle à New York, c'est sportif !

Nous accompagnons ainsi Walker, de drames en joies et tragédie, retenu par le fil d'une écriture précise et empathique. 

Sautant d'une époque à l'autre, avec aisance, nous verrons les divers fils se nouer pour former une trame touffue et solide. Nous comprendrons qui est vraiment Treefog le SDF acrobate, que McCann croque avec beaucoup de tendresse, de compassion et de justesse, n’occultant en rien la misère et la violence infinies de ces re(ex)clus.

Du plus humide des tunnels au plus haut des buildings, Colum nous empoigne pour ne plus nous lâcher.

Beau livre, pas de l'ampleur et de l'intensité de son grand oeuvre DANSEUR, biographie romancée du prodige Noureev, mais un livre poignant et parfois réellement bouleversant.

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