vendredi 29 août 2014


Phlilip K Dick 1928-1982
"
- Caca
- Boudin !

- Huhuhu!!!!!

- Crèpochocolo, Caramela ! Ça suffit vos enfantillages ! Je ne tolère pas ces abus de langage de mes stagiaires. En outre, souligner la répétition Cas K...

- Huhuhu !!!!!

- Vos gueules ! Souligner cette répétition rend la vanne totalement inopérante ! "

Ahem...

Bien le bonjour les aminches. Aujourd'hui nous disserterons longuement du cas du fameux écrivain de SF Philip K Dick. 

Fameux pour sûr ! J'oserais même dire l'un des écrivains les plus connus du vingtième siècle. Par la bande. En effet K Dick fut pillé par Hollywood. Il est assurément l'un des auteurs les plus adaptés par les studios omnipotents...

Du plus nul
  • NEXT avec Nicolas Cage, ce dernier constituant l'un des indices les plus probant d'une bouzasse avérée.
  • PAYCHECK avec Ben Affleck au delà du vide, le bovin ruminant dans toute sa splendeur. L'on disserte souvent de l'apport d'un acteur mais on l'on souligne rarement sur ce qu'il peut ôter au potentiel d'un film
  • PLANÈTE HURLANTE, série B oubliable et oubliée
  • TOTAL RECALL - MÉMOIRES PROGRAMMÉES. La deuxième version avec Colin Farell avec une histoire totalement expurgée de la folie Dickienne. Un film d'action du pauvre. 
Au passable
  • MINORITY REPORT. Tooom à l'écran, Spielberg derrière pour un résultat décevant. Très loin de la qualité de la nouvelle. Avec Colin Farell tiens, décidément. Mais Colin est plutôt bon, meilleur que Tooom.
  • L'AGENCE avec Matt Damon. Juste, comme d'hab, Matt Damon est un bon acteur. Là c'est la nouvelle choisie qui n'est pas terrible.
Au Pas mal du tout
  • A SCANNER DARKLY avec Keenu Reeves et Robert Downey Junior qui fait fait son Bob prolixe usuel mais il le fait bien. Tiré de SUBSTANCE MORT, roman extraordinaire de Dick (j'y reviendrai), le résultat est fatalement en dessous du roman mais le résultat est honorable voire un peu plus. Tourné en motion capture en outre, ce qui ajoute au franchement barré du propos : 
Coucou Kikinou !
Jusqu'au grandiose, chef d'oeuvre estampillé : 
  • BLADE RUNNER 'videmment. Le film de SF, 1982 au compteur et pas une ride. Proprement miraculeux quand on y songe la SF à l'écran (et surtout à l'écran) vieillit rapidement. Le seul film supérieur au roman Dickien.
Le l'a pas bien vieilli
  • TOTAL RECALL première version de Paul Verhoeven, le cinéma de l'Hollandais exilé aux Sttttttaaaaaaaaates est très vite daté, et là ça se voit... mais le film reste fidèle à l'oeuvre et restitue par moment le doute Dickien.
Et j'en oublie, sans parler des influences non reconnues (A TRUMAN SHOW) et toute une mythologie développée : ce que vous voyez, ce que vous croyez connaître comme le monde en tant que tel n'est pas la réalité (EXISTENZ de Cronenberg est purement un film Dickien).

'Tin il y a matière pour Dick. Ca se bouscule dans mes synapses. Dick m'accompagne depuis longtemps, je le lis depuis mes 17 ans, je stoppe, je le relis et je découvre de nouveaux romans. Il faut dire que Dick fut extrêmement industrieux : plus de 44 romans édités en France et près de 122 nouvelles. Les recueils publiés chez Omnibus comportent une bibliographie ayant 294 entrées rien que pour ses œuvres de fictions.

Dick écrivait comme un damné, faut dire que shooté aux amphet's, il tenait un rythme d'enfer. Devenu clean, le flux se fera plus tenu.

Autant vous le dire tout de suite, K Dick n'est pas un grand écrivain au sens où un écrivain ce serait le style. Celui de Dick est plat. Sans que cela soit une recherche esthétique comme chez Houellebecq par exemple, non son style est neutre et la psychologie des personnages, à de rares exceptions près, n'est guère poussée.

En revanche, s'il l'on considère que l'imaginaire l'emporte sur le souffle de la plume (d'autant plus que nous ne sommes pas dans un chronique sociale réaliste mais dans de la SF non ? Et bien c'est plus compliqué que cela, comme nous le verrons...), alors Dick est un immense auteur oui. 

L'oeuvre de Dick est irrémédiablement lié 1. à sa vie 2. à sa psyché et au doute quasiment métaphysique qui l'habite peut-on se fier à nos sens ? On dirait du Kant, mais en beaucoup plus fun !

La biblio de Dick soulève ainsi de nombreuses questions, cheminons ensemble en ce questionnement. 

Philip K Dick est il un homme de son temps ?


Ha ça, on peut le dire. On a tendance à dire que les auteurs de SF sont déconnectés de leur époque mais pas Dick. Du reste sa SF est très peu technologique, point de créatures d'outre space ou indirectement. Sa SF est bigrement familière. c'est notre univers qui se détracte, pour constater ce décalage de plus en plus accentué, il faut bien que le point d'origine soit connu parfaitement.

Par exemple : 


Une petite ville des années cinquante : ses grands magasins, ses administrations et des familles banales. Comme le couple Bill et Junie Black ; Bill est un employé d'une administration qui s'aligne sur la mode et sur ses chefs. Ses voisins l'intéressent beaucoup : le couple Vic et Margo Nielson et leur fils Sammy ; Vic est un employé de supermarché qui s'occupe de fruits et légumes.

Un marginal : Ragle Gumm, le frère de Margo. Il « gagne sa vie » en répondant chaque jour aux questions du jeu Où Sera Le Petit Homme Vert La Prochaine Fois qui paraît dans les journaux locaux. Les questionnaires sont complexes, Ragle fait de nombreux calculs difficiles et des schémas dans l'espace et dans le temps ; il gagne tous les jours depuis deux ans ; parfois, il fait des erreurs, mais « on » les lui pardonne ; son approche des énigmes est d'ailleurs plus esthétique que rationnelle, mais il ne joue pas au hasard, il devine juste.

Ce curieux « métier » (qui ne devrait pas en être un) est fatigant, mais il lui rapporte des gains appréciables et le rend célèbre. Ragle se pose des questions sur sa situation de célibataire de quarante-six ans, qui tente de séduire sa jeune voisine immature (Junie), et qui vit d'un métier bizarre qui n'en est pas un.

Le contexte : on discute beaucoup dans ce petit monde. Faut-il regarder la télévision et ses émissions ? Il est dommage qu'il n'y ait plus de radio. Alors, faut-il s'abonner plutôt à un club de livres qui publie ce mois-ci un « document sur l'esclavage », La Case de l'Oncle Tom, d'un auteur inconnu, Harriet Beecher Stowe ? Par contre, on connaît le rapport Kinsey. On discute de l'économie qui va mal, de la prise de tranquillisants pour soigner des indigestions, de l'existence des soucoupes volantes, du passage d'avions à réaction, de l'imminence de la troisième guerre mondiale et de la chute attendue de bombes H.


Un monde qui se désagrège : l’emplacement d'objets connus est parfois incertain. Quand Ragle va acheter une bière à la buvette du quartier, il arrive que celle-ci « se désagrège en fine molécules » et qu'il trouve à la place une simple étiquette marquée buvette ; il les collectionne et vit alors dans l'angoisse. Est-il victime d'un canular ? Il découvre aussi un vieil annuaire de téléphone dont les indicatifs lui sont inconnus et qui ne sont plus attribués — mais où il aurait pu trouver son propre nom —, ainsi que des revues populaires parlant d’événements et de célébrités, comme Marilyn Monroe ou Laurence Olivier, qui lui sont tout autant inconnus. Ragle envisage alors d'arrêter son curieux métier de deviner de jeux pour prendre un métier manuel, ou retourner à l'université pour étudier la philosophie. Ou pour partir « ailleurs ». Dans un univers parallèle ?

La banlieue américaine, la semblable pelouse répétée ad nauséam, la voiture garée devant. L'homme au travail tous les matins, la femme névrosée parfaite ménagère qui tient l'intérieur, élève ses enfants et attend le retour du guerrier. 

Vous voulez connaître l'American Way of life ? Happy Days sans les rires pré enregistrés ? La hantise de la troisième guerre mondiale, la bombe H ? Les gens, à l'époque, qui vivaient dans la peur, la hantise de la conflagration générale et apocalyptique ? 

Lisez LE TEMPS DÉSARTICULE et vous en aurez un portrait saisissant de l'Amérique des années 50. 

Vous aurez pour le même prix une énigme qui se résout. Propre. Rien qui ne dépasse. Ce n'est pas toujours le cas chez Dick. Bonne pioche que ce livre. 


Philip K Dick est-il un progressiste ?


Voire un communiste. Le FBI demanda un jour à Dick d'enquêter sur sa propre femme, suspectée de sympathies non désirées. Il refusa. C'était le Maccarthysme. Dick baignait dedans et haïssait cette méfiance généralisée, prélude au fascisme. L'idée d'une Amérique dictatoriale revient souvent dans son oeuvre.

Cette inquisition du FBI l’inspirera fortement pour une oeuvre de jeunesse : 

Suite à un accident, huit personnes vont être touchées par le rayonnement d'un accélérateur de particules. 
Par un phénomène qui s'impose à tous, elles vont alors se retrouver soumises à la réalité subjective de l'un d'entre eux, ses visions tronquées ou orientées, ses valeurs, ses croyances, ses peurs.

Le héros du livre, scientifique rattaché à un projet sensible pour la sécurité nationale a une femme suspecte de sympathie envers les rouges. 

Dick se met souvent en scène dans ses romans. Il poussera très (trop) loin ce procédé. Il s'épargne rarement cela dit. Dans ce roman, il parle ainsi de la situation humiliante des noirs et se reproche de ne pas en faire assez. 

La religion en prend un sacré coup elle aussi et il tatane gaillardement le mysticisme. Cela changera aussi. Et pas pour le meilleur. 


Philip K Dick est-il un sale con ?


Question un brin facile et provocante, je sais bien mais l'oeuvre de Dick contient un fond de misogynie diffus et rance. 

La relation de Dick avec les femmes fut compliquée. A vrai dire, je crois qu'il les redoutait. Dans ces livres , le plus souvent soit il les ignore, soit elles sont porteuses, volontairement ou non, des catastrophes à venir. 

En outre, pour se démarquer du communisme, il écrit dans les années 70 une nouvelle PRE PERSON (je ne connais pas le titre en français, non traduit ?) où il attaque violemment le système communiste. Soit, mais il fait montre aussi d'une violente positon anti-avortement.

Enfin Dick était fan de Ayn Rand, une femme certes, mais aussi une réac furieuse à faire passer Ronald Reagan pour un dangereux gauchiste. 

Rien n'est jamais simple chez Dick...

Philip K Dick est-il schizophrène ?


Le psychisme de Dick fut pour le moins fragile. Toute son oeuvre fut basé sur l'idée que le monde tel qu'on le voyait et ressentait n'était pas le vrai monde.

Si le diagnostic de sa schizophrénie a été infirmé par de nombreux spécialiste et exégètes , il n'en reste pas moins que la santé mentale de Philip K. Dick était au mieux vacillante, au pire réellement paranoïaque, et que son addiction aux drogues n'a rien aidé. 

On peut cependant noter qu'une des interrogations les plus importantes d'un schizophrène est de savoir comment différencier la réalité et de sa propre perception de la réalité. 

Or ceci est une thématique récurrente dans les œuvres de Philip K. Dick, si récurrente qu'elle pourrait presque être considérée comme un symptôme pour ceux qui mettent en doute l'infirmation de sa schizophrénie.

Le doute Dickien fut porté à son point de fusion avec ses deux romans les plus connus.


Ce roman décrit un présent qui diverge de celui que nous connaissons dans la mesure où l'auteur a changé le cours de l'histoire réelle. Ici, les différents débarquements alliés en Afrique et en Europe ont échoué. En 1947, les Alliés capitulent devant les forces de l'Axe (Allemagne nazie, Japon impérialiste, Italie fasciste). 

Dans cette dystopie, un roman clandestin commence à faire dangereusement parler de lui.


La Sauterelle est un roman dans le roman, une uchronie dans l'uchronie : Hawthorne Abendsen l'auteur a écrit une histoire où les Alliés sont vainqueurs de l'Axe. 

En voilà un pitch de malade. Le premier du genre ! Mais ce roman est, comment dire, heu, franchement barré. Surtout dans sa deuxième partie et le dénouement en déconcerta plus d'un (votre bloggeur adoré compris). Je ne conseillerai pas ce roman pour pénétrer l'univers Dickien.

Il s'agit néanmoins de l'un des livres les plus connus de Dick, titulaire du seul prix Hugo (pfuit...) attribué à son auteur.

L'on est là dans le dur, le doute absolu mais il n'est pas levé et la fin laisse perplexe et ouvre à bien des interprétations. Difficile de jauger ce roman, objet littéraire insolite qui flirte parfois avec le foutage de gueule. 

Sinon z'avez le chef d'oeuvre de Dick : 


"Une pulvérisation invisible d'Ubik et vous bannirez la crainte obsédante, irrésistible, de voir le monde entier se transformer en lait tourné".

Qu'est-ce qu'Ubik ? Une marque de bière ? Une sauce salade ? Une variété de café ? Un médicament ? 

Et quel est donc ce monde où les portes et les douches parlent et n'obéissent aux ordres qu'en retour de monnaie sonnante et trébuchante ? Un monde où les morts vivent en animation suspendue et communiquent avec les vivants dans les "moratoriums". 

C'est dans cet univers que Glen Runciter a créé un organisme de protection contre les intrusions mentales. 

Joe Chip, un de ses employés, est chargé de monter un groupe de "neutraliseurs" de pouvoirs "psy", afin de lutter contre ce qui semble être une menace de grande envergure.

Immeeeennnnnnnnnnnse roman. 'Tin les analyses de ce roman se multiplie à l'infini. Tout y passe : le capitalisme mortifère et son consumérisme effréné, la religion omniprésente et le thème d'une intelligence à l'oeuvre derrière, au dessus, dessous, enfin quelque part, et pas forcément bienveillante du reste. 

Et quel brio dans la construction. Jamais le style d'une neutralité absolue de Dick ne se justifie autant que dans ce livre, le familier se dérègle, le quotidien part en cougnette. 

Et un dénouement..! On croirait entendre Dick éclater d'un rire grinçant. Et cette phrase qui rythme le livre "je suis vivant et vous êtes morts."

Les filles, il faut lire Ubik, ne serait ce que pour en parler, le savourer, le détester mais le lire.


Philip K Dick était il drogué ?


Totalement défoncé oui. Dans les années 70, il a un peu goûté de tout et s'est bien rincé la boite à comprenette. Son expérience de Junkie lui a donné matière pour son livre le plus personnel et le plus cruel : 


Bob Arctor est Fred, et Fred est Bob Arctor : un policier membre de la brigade des stupéfiants, infiltré dans un milieu de toxicomanes, et menant deux vies parallèles. 



Il vit avec deux autres hommes totalement déphasés de la réalité, Luckman et Barris. Donna, son amie, est dealeuse et consommatrice. 


Ils sont tous, exceptée Donna, accro à la Substance M, une drogue qui altère peu à peu leur identité, jusqu'à en faire des larves.

Pour Fred, ce sera le début de la fin quand ses supérieurs lui demanderont de surveiller Bob Arctor, ignorant sa véritable identité en raison des techniques d'enquête utilisées. 

Comment enquêter sur soi sans finir par devenir totalement schizophrène ?

Ce roman, Dick le dédie à ses anciens amis toxicomanes, morts ou gardant de cette époque des séquelles à vie. Il s'agit donc d'un livre très personnel, très dur, qui met en scène une Amérique peut-être pas si lointaine. 

Une Amérique où tout est sécurisé et contrôlé par les autorités, mais où la drogue règne en maîtresse. Parce que contrairement aux autres drogues, la substance M est bon marché… Mais ses effets sont bien plus désastreux que les autres.

C'est étrange que Dick dédie ce livre à ses anciens amis toxicos car le livre montre précisément qu'il n'y pas d'amis dans ce milieu (comme le montre TRAINSPOTTING itou) et qu'il n'y a que le shoot qui compte.

C'est un livre dérangeant et totalement dépourvu de romantisme lié à la consommation de drogue, on est à l'époque en pleine redescente, Timothy Leary, LES PORTES DE LA PERCEPTION d'Aldous Huxley sous le bras, ne fascine plus autant. Et Dick nous montre que LSD et cie te transforme surtout le cervelet en porridge.

Ce roman sera le dernier valable de Dick, il se fourvoiera après dans des livres mystiques fumeux avec une intelligence extra terrestre qui le contacterai, comme il l'assurera le plus sérieusement du monde devant un public médusé à Metz. 

Dick aura vécu le plus souvent non pas dans l'indigence mais dans la gêne et n'aura atteint le rang de culte (je n'aime pas trop ce terme, m'enfin j'imagine que là il se justifie) qu’après sa mort. En tout état de cause, il aura bouleversé la SF.

Je ne peux finir ce longuissime post sans vous parler de 


L'excellente biographie romancée de Emmanuel Carrère. Du travail d'orfèvre et un vrai plaisir de lecture. 

Attention néanmoins de nombreuses intrigues de romans de Dick sont dévoilées.

Voilà.

Dire que j'aurais pu vous évoquer LE DIEU VENU DU CENTAURE, COULEZ MES LARMES, DIT LE POLICIER et tant d'autres mais bon...

"
- Ho Caramela, Crépochocolo, réveillez vous, j'en ai fini avec le cas K Dick. 
- Caca !
- Boudin !

Huhuhuhu..."

4 commentaires :

  1. Tu l'avais déjà mentionné et si j'osais...

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  2. Réponses
    1. Tu l'as cette fameuse adaptation bédesque ? Et si oui pourrais je te l'emprunter ? :-?

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  3. Faudrait qu'on se croise, déjà, parce qu'en ce moment, c'est un peu compliqué pour voir l'aminhobbit, pis ensuite faudrait aussi que j'te file la fin de SandMan, mais sinon, bien sur, pas de souci ;)

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