dimanche 26 janvier 2025

« Ceux qui diront que la guerre, ce n’est pas émasculer des prisonniers, tuer des enfants, violer des femmes ou des gamines, exécuter des vieillards, couper les doigts des cadavres ou des blessés pour voler leurs bagues, ceux-là n’ont jamais fait la guerre. »

***

Beyrouth, 13 avril 1975. Des membres du FPLP ouvrent le feu sur une église dans le quartier chrétien d’Ain el-Remmaneh. Quelques minutes plus tard, un bus palestinien subit les représailles sanglantes des phalangistes de Gemayel, inaugurant un déferlement de violence sans commune mesure qui dépassera bientôt les frontières du Liban et du Proche-Orient.

Michel Nada part alors pour la France, où il espère rallier la droite française à la cause chrétienne. Édouard et Charles, ses frères, choisissent la voie du sang. Dans la banlieue sud de Beyrouth, Abdul Rasool al-Amine et le Mouvement des déshérités se préparent au pire pour enfin faire entendre la voix de la minorité chiite.

À l’ambassade de France, le diplomate Philippe Kellermann va, comme son pays, se retrouver pris au piège d’une situation qui échappe à tout contrôle.

Mais comment empêcher une escalade des tensions dans un pays où la guerre semble être devenue le seul moyen de communication ? La France de Giscard et de Mitterrand en a-t-elle encore seulement le pouvoir, alors qu’elle se voit menacer au sein même de son territoire ?

***

Frédéric Paulin, après son extraordinaire (chaque qualificatif de cette chronique est dûment pesé) trilogie sur le terrorisme contemporain, revient avec une nouvelle épopée tragique, sanglante, labyrinthique, éreintante et magistrale.

Évacuons d’emblée celles et ceux (toujours plus nombreux) qui demanderont un livre pas prise de tête ou mieux qui voudront se la vider. J’ai un conseil : ne lisez pas, allumer la télévision. Frédéric Paulin va nous les remplir nos têtes, ras la synapse.

S’emparer de la guerre civile libanaise, nous plonger ainsi, sans index, sans mise en perspective, sans notes de bas de pages (grâce en soit rendue) dans ce bourbier, c’est... Gonflé.

Nous immerger sans contexte (ou presque) dans une lutte à mort où la responsabilité incombe toujours à la communauté d’en face. Où les personnes qui constituent ces communautés sont niées dans leur individualité, essentialisées, n’ont guère plus d’identité propre qu’une ouvrière en sa ruche...  Cela nous rapproche, nous fusionne avec les personnages de Frédéric Paulin qui semblent ne pas plus comprendre. Ne pas saisir d’où est né le brasier. Où sont les mèches ? Comment les neutraliser ?

un magnifique écrin Aggullien (encore un gros travail éditorial de la maison Agullo), portées, sublimées, par la plume précise, sobre et immersive de ce diable d’homme, les trajectoires de ce diplomate amoureux, de ce mercenaire mélancolique, de ce chrétien apeuré... Percutent celles plus politiques, crapoteuses, sinueuses de la politicaillerie hexagonale.

Paulin entrelace (encore !) avec maestria les histoires avec l’Histoire écrasante et aveugle aux répercussions.

Plongez dans le chaudron libanais, soyez dérouté, soyez peu à peu éclairés et posez ce livre en songeant au travail titanesque effectué et à l’insigne savoir-faire pour le rendre digeste, haletant, bouleversant.

Un livre à lire avec un protège-dent !

26 Jan 2025

0 commentaires :

Enregistrer un commentaire

:) :)) ;(( :-) =)) ;( ;-( :d :-d @-) :p :o :>) (o) [-( :-? (p) :-s (m) 8-) :-t :-b b-( :-# =p~ $-) (b) (f) x-) (k) (h) (c) cheer
Click to see the code!
To insert emoticon you must added at least one space before the code.