mardi 20 août 2024

Traduction : Margarita Barakauskaite-Le Borgne

« Ce qu’il voulait voir devant ses yeux, c’étaient les rayonnages remplis de milliers d’ouvrages, recouverts de la peau d’un porc anonyme. »

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Berlin, République de Weimar, 1926. Walter a hérité de la prestigieuse bibliothèque de son grand-père, dont certains des volumes sont reliés avec la peau d`un animal en accord avec leur contenu. 

Tous sauf un, auquel Walter voue une véritable fascination : une première édition du marquis de Sade, recouverte de l'épiderme d'une aristocrate guillotinée ; une merveille de bibliopégie anthropodermique. 

Sa demi-sœur, Lotta, jalouse de cet héritage, est une femme trompée et blessée, en quête de moralité et de vertu dans ce Berlin décadent. Quant à Maus, tanneur sourd-muet et ami d'enfance de Walter, il ne voit le monde que par les Dix Commandements. 

Leur destin va basculer lorsqu'un étudiant éconduit par sa fiancée et à la peau irrésistiblement diaphane se jette sous les roues de la Mercedes de Walter. Parfois, des choses terribles sont faites au nom de la beauté...

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Le roman de Undine Radzeviciute avive une problématique éditoriale de plus en plus fréquente : peu importe que le livre soit bon, il convient qu’il soit beau. Valsez les fioritures qui dévoilent leur joliesse sur la tranche, les fameux jaspages. Sonnez les collectors, couverture cartonnée et prix en hausse.

Ce phénomène, jusque là cantonné à la romance et Romantasy, déborde de plus en plus. Vivement Noël tient, véritable foire à l’émerveillement du livre augmenté !

Walter hérite de son grand père une prestigieuse bibliothèque dont nombre d’ouvrages sont reliés avec la peau d’un animal. Le joyau noir étant une édition de Sade recouverte de la peau d’une aristocrate guillotinée pendant la Terreur !

Une merveille de bibliopégie anthropodermique en somme. Walter de plus en plus fasciné par ces recueils va peu à peu basculer dans une recherche de la couverture parfaitement idoine.

Un livre fascinant, grinçant, souvent drôle avec une science des dialogues peu commune. Les joutes verbales entre Walter et sa sœur sont autant de répliques sardoniques et amères balancées comme la petite balle entre deux pongistes tenaces et irréconciliables.

Évidemment situer son roman dans le Berlin d’après-guerre jusqu’à l’arrivée de la bête immonde est l’assurance pour l’autrice d’embrasser la complexité de l’âme humaine. Passer d’une capitale libre, supposée décadente à sa reprise en main par des bottes cirées obsédées par les lignes droites et les angles droits.

Que sont le beau et le mal ? Impossible débat où seul les abrutis au cerveau comprimés par une casquette ou un képi osent des réponses définitives. Le beau et le mal qu’il est bien trop hasardeux de vouloir dissocier, voire dangereux.

Implacable roman que l’on dévore jusqu’au dénouement où une figure tutélaire s’immisce pour un rôle peu flamboyant. Undine ne respecte rien. Respect !

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