lundi 13 mars 2023

« Tous, nous arrondissons les angles afin de ne pas heurter, de ne pas vexer. On ne s’engueule plus, on ne plaisante guère, c’est le règne des chouquettes et du lait d’amande. On est passé de JoeyStarr à Vianney. »

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Quand Thibault débarque à Planoise, quartier sensible de Besançon, il est loin de se douter que la vie lui réserve un bon paquet de shit. 

Conseiller d’éducation au collège, il mène une existence tout ce qu’il y a de plus banale. Sauf qu’en face de chez lui se trouve un four, une zone de deal tenue par les frères Mehmeti, des trafiquants albanais qui ont la particularité d’avoir la baffe facile. 

Alors que ces derniers se font descendre lors d’un règlement de comptes, Thibault et sa voisine, la très pragmatique Mme Ramla, tombent sur la cache de drogue.

Que faire de toute cette came ? Lorsque notre duo improvisé compare ses fiches de paie avec le prix de la barrette, il prend rapidement une décision. Un choix qui pourrait bien concerner tout Planoise.

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Schwartzmann se fera-t-il Roald Dahliser un jour ?

Si de doctes et bienveillants spécialistes, doutant quelque peu de notre discernement, décident d’assouplir l’œuvre de Jacky Schwartzmann, il faudra engager une brigade moulinant du traitement de texte H24. Ce sera plus chirurgie esthétique lourde, gros travaux et botox par pelletées que retouches cosmétiques. Plus les lèvres de Meg Ryan que crème de jour.

Jacky Schwartzmann a une arme secrète. Il la dégaine et l’agite dans ses livres : le rire. C’est gonflé. Et commercialement proche du suicide financier. Le rire n’a pas la côte. Cette histoire de Breaking Bad à Besançon comme le punchline Thomas VDB (qui me pique à cette occasion le titre de mon post) sur la couverture du livre, si elle traitée par les frères Dardenne avec des plans grisâtres et la morve au nez, sera louée, célébrée mais si on en tire une comédie...

Mais qu’est-ce qu’on se marre en lisant Shit ! Un rire franc et massif à l’occasion, à provoquer des moments suspendus dans les transports en communs : attirer un regard qui s’éloigne d’un écran de portable, le prodigieux exploit.

Mais le rire n’est pas que gloussements convenus et complicité de cavernes ou de vestiaires. Le rire c’est subversif, grinçant.

C’est ce rire, malaisant, que pratique Jacky Schwartzmann. Son CPE de province, qui se découvre une passion du deal, presque l’amour fier et légitime de l’artisan devant son travail bien fait, montre au fil des pages une figure de plus en plus grimaçante, satisfaite, de celle qu’on arbore en pontifiant que la fin justifie les moyens. Et nos zygomatiques se grippent.

Dézinguant allègrement le vivre ensemble aseptisé, marketé, floqué en série sur des tee-shirts, arrosant copieusement tout le monde sans verser dans la démagogie, ni même la facilité, reposant sur une intrigue policière solide et percutante, Shit ! est un plaisir de lecture qui dure bien plus longtemps qu’une bédave un samedi soir.

De la pure !

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