samedi 3 octobre 2020




Ecrire est étrange, mon ami : à mon avis, la première activité la plus étrange et plus terrible à laquelle un homme puisse se livrer est l'écriture, et il ajouta, en retrouvant son sourire parcimonieux : Lire est la deuxième

Un éphèbe est retrouvé mort dans les rues d'Athènes. Son ancien mentor à l'Académie sollicite les services d'un fin limier : Héraclès Pontor, le Déchiffreur d’Énigmes. Le philosophe platonicien et cet Hercule Poirot à l'antique s'emploient avec passion à trouver la Vérité et, accessoirement, le coupable. Car la joute philosophique se superpose à l'investigation policière, tandis que les crimes s'enchaînent.

L'histoire de ces crimes est aussi l'histoire d'un manuscrit qu'un traducteur retranscrit sous nos yeux, l'annotant inlassablement en pensant l'éclairer, ignorant que son destin de personnage est d'établir la revanche de la littérature sur la philosophie, de démontrer que seule la fiction contient toutes lès vérités du monde.

Il est des livres qui demandent une ténacité, d’autres qui nous entraînent dans leurs rapides, on se laisse aller avec le courant. Ils sont plus rares les livres qui demandent les deux.

Voilà le sujet de La caverne des idées, manuscrit antique de Philotexte de Chersonèse. Le jeune homme chargé de la traduction, à force de lectures, d’annotations, soupçonne le texte de cacher une "eidesis". Ce procédé littéraire consiste à masquer un sous-texte dans les lignes, le camoufler dans les mots, une sorte de mystère subliminal. Le véritable enjeu de La caverne des idées. Le traducteur traque inlassablement cette révélation. Il remonte la piste, nous de suivre ses investigations en lisant ses notes de bas de pages.

La caverne des idées est donc un livre miroir, un livre dans le livre. Une enquête policière « classique » menée par un Hercule Poirot hellène reculé (Héraclès Pontor...) et une inquisition littéraire obsessionnelle. Un exercice magistral qui se double d’une question philosophique lancinante ? Peut-on se fier à quoi que ce soit ?

Ce qui s’apparente au premier abord à un tour de force érudit malaisé se révèle un bonheur de lecture, le torrent est limpide et l’eau tout sauf calme et boueuse. Cependant, le dénouement (que je tairai évidemment) réclame une certaine tempérance. Cet achèvement qui fait le sel de La caverne des idées est une apocalypse, au sens propre, une illumination définitive d’une grande beauté mais clivante. La caverne des idées affirme sans détour la primauté de la littérature sur la philosophie, « seule la fiction détient les vérités du monde ».

(Je ne peux que souligner, c’est l’évidence, le travail remarquable de la traductrice, la vraie, Marianne Million)

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