"Nous étions coupés en deux : un pied en Amérique, l’autre dans un pays en guerre. On nous demandait de nous comporter en individus civilisés, alors que le monde autour de nous était au bord du carnage. Bill avait perdu toute mesure. Être armé signifiait prendre les commandes de nos existences à la dérive. Un flingue, c’était une machine à explorer le temps et une ancre : c’était lui qui dictait les événements. Être armé, c’était être son propre maître, devenir autre chose qu’un homme dont la vie et la mort pouvaient simplement être saisies et jetées au hasard"
***
Bien le bonjour aminches.
Il m'arrive parfois, je ne sais si vous êtes dans le même cas, de me retrouver à lire, regarder, écouter sur le même thème.
Ainsi cet été, durant le mois de juillet, Arte a diffusé un documentaire saisissant :
Long film passionnant de presque 8 heures sur la vie du footballeur américain noir OJ Simpson.
Déjà que je m'intéresse à peu près autant au football européen, le Soccer, qu'à l'oeuvre complète de Laurent Wauquiez, alors le football américain... Je m'en bats les genoux à grandes cognées.
Et pourtant, ce docu, récompensé par un Oscar, m'a scotché, littéralement happé. OJ Simpson, accusé d'avoir tué son ex femme, qu'il battait comme plâtre durant leur mariage, qu'un faisceau accablant de preuves, de soupçons, semblait conduire tout droit au couloir de la mort, bénéficia de l'effet Rodney King.
Rodeny King du nom de ce conducteur noir, passé à tabac par des flics blancs, sous l’œil des caméras, flics qui seront innocentés, mieux qui seront félicités pour avoir agi comme il fallait.
Le Los Angeles black s'embrase, des jours d'émeute.
Puis l'ex femme blanche de OJ Simpson est massacrée, ainsi qu'un serveur venu lui rapporter ses lunettes oubliées au restaurant. Les indices incriminant Simpson sont plus nombreux que des poursuites de voitures dans un FAST AND FURIOUS moyen.
Oui mais voilà, Rodney King...
Un jury, principalement constitué de noirs, qui voulaient voir l'un des leurs s'en sortir pour une fois.
Peu importe que Simpson a tout fait pour faire oublier sa couleur de peau, peu importe qu'il n'a jamais eu un mot, l'esquisse d'un geste pour le mouvement civique... Il va dépenser des millions, recrutant une task force juridique de première bourre qui va jouer la carte raciale à fond, à le faire passer pour un quasi membre officieux des Black Panthers.
Ça va marcher. Bien aidée par une police raciste, incompétente et des procureurs flottants, OJ Simpson, contre l'évidence, sera acquitté. Plus tard il sera condamné au civil à verser des dommages et intérêts faramineux (joie du système judiciaire américain, innocenté d'un côté et condamné pour meurtre de l'autre). Plus tard, OJ Simpson, à demi mot, avouera quasiment le meurtre.
Et on se dit, putain, dommage que cela tombe sur lui, que dans la longue litanie des décision iniques judiciaires, la balance soit rétablie pour un type comme Simpson.
Voilà ce que je me dis, blanc caucasien, dans ma banlieue tranquille de Bordeaux, encore groggy par ce formidable documentaire
Puis je me replonge dans mon livre.
À West Baltimore dans les années 1980, les gangs et le crack sont le seul horizon des gosses du quartier.
Ta-Nehisi est voué lui aussi à devenir un bad boy. Mais son père Paul, ancien Black Panther passionné de littérature, lui fait découvrir Malcolm X et James Baldwin.
C'est une révélation. L'adolescent rêveur, égaré dans les frasques d'une famille hors norme, se jure d'échapper à son destin.
J'avais adoré UNE COULEUR NOIRE du même auteur, lettre ouverte à son fils suite au violences policières et à l'épidémie de bavures mortelles en découlant et ciblant les afro-américains.
Ta-Nehisi Coates est ainsi devenu une figure majeure du
Coates revient dans LE GRAND COMBAT sur son enfance, son parcours.
Ultra référencé, ce livre est formidable mais moins universel que ne l'était UNE COLÈRE NOIRE. Surtout il est une ode à sa famille. Une mère aimante et un père militant, qui maniait volontiers le ceinturon en guise de méthode éducative mais qui avait l'immense mérite au yeux de Coates d'être là, de ne pas s'être enfui comme bon nombre de pères putatifs qui une fois la braguette remontée se barrent à l'aut' bout du quartier.
"Il nous inspirait un sentiment étrange, à mi-chemin entre la haine et une totale révérence. Aucun de nos amis n’avait de père et en cela il était un don du ciel mais il était difficile de lui en être reconnaissant."
Porté par une plume pulsative, un rythme quasi hiphopien, syncopé, LE GRAND COMBAT conte un éveil. Plus qu'à l'écriture, à la culture au sens large.
Ce livre conte un affranchissement. Des règles mises en place, de la tradition de l'asphalte défoncé des rues mal éclairées de ce quartier de Baltimore (le même que montré dans la série magistrale SUR ECOUTE / THE WIRE).
"C’est mon instinct de cow-boy qui réagit le premier, la pensée que, en dépit de ma maladresse et de mes lunettes recollées, du sang rebelle coulait dans mes veines, et cette idée m’emplit d’une fierté stupide et enfantine. Tout le monde a besoin de mythes. Et ici, dans le Far West de Baltimore où nous avions perdu la foi, où régnait la loi barbare, quelle serait notre magie? Quels seraient les mots sacrés ?"
Coates ne se fait pas d'illusion, il a surtout eu de la chance, d'éviter un destin tracé comme une ligne de coke. Il a eu la chance de découvrir les grandes figures intellectuelles du combat noir contre la ségrégation.
Au premier rang desquels James Baldwin :
Écrivain, essayiste et polémiste américain.
Héros du chef d'oeuvre documentaire (décidément) :
Je ne ferais pas une apologie forcément gênante de ce film.
Scandées par la voix rocailleuse de Joey Starr, les citations de Balwin qui émaillent ce film sont brûlantes, incandescentes.
JE NE SUIS PAS VOTRE NÈGRE est un film bouleversant.
La scène où un présentateur blanc susurre à Baldwin, que quand même ça va bien, les Noirs font même de la pub maintenant. La réplique cinglante de Baldwin et le regard de ce présentateur tel un lapin pris dans les phares...
Il n'y pas de problématique plus puissante dans la sociétéaméricaine que celle de la race.
Et ce n'est pas près de s'arranger...
Il m'arrive parfois, je ne sais si vous êtes dans le même cas, de me retrouver à lire, regarder, écouter sur le même thème.
Ainsi cet été, durant le mois de juillet, Arte a diffusé un documentaire saisissant :
Long film passionnant de presque 8 heures sur la vie du footballeur américain noir OJ Simpson.
Déjà que je m'intéresse à peu près autant au football européen, le Soccer, qu'à l'oeuvre complète de Laurent Wauquiez, alors le football américain... Je m'en bats les genoux à grandes cognées.
Et pourtant, ce docu, récompensé par un Oscar, m'a scotché, littéralement happé. OJ Simpson, accusé d'avoir tué son ex femme, qu'il battait comme plâtre durant leur mariage, qu'un faisceau accablant de preuves, de soupçons, semblait conduire tout droit au couloir de la mort, bénéficia de l'effet Rodney King.
Rodeny King du nom de ce conducteur noir, passé à tabac par des flics blancs, sous l’œil des caméras, flics qui seront innocentés, mieux qui seront félicités pour avoir agi comme il fallait.
Le Los Angeles black s'embrase, des jours d'émeute.
Puis l'ex femme blanche de OJ Simpson est massacrée, ainsi qu'un serveur venu lui rapporter ses lunettes oubliées au restaurant. Les indices incriminant Simpson sont plus nombreux que des poursuites de voitures dans un FAST AND FURIOUS moyen.
Oui mais voilà, Rodney King...
Un jury, principalement constitué de noirs, qui voulaient voir l'un des leurs s'en sortir pour une fois.
Peu importe que Simpson a tout fait pour faire oublier sa couleur de peau, peu importe qu'il n'a jamais eu un mot, l'esquisse d'un geste pour le mouvement civique... Il va dépenser des millions, recrutant une task force juridique de première bourre qui va jouer la carte raciale à fond, à le faire passer pour un quasi membre officieux des Black Panthers.
Ça va marcher. Bien aidée par une police raciste, incompétente et des procureurs flottants, OJ Simpson, contre l'évidence, sera acquitté. Plus tard il sera condamné au civil à verser des dommages et intérêts faramineux (joie du système judiciaire américain, innocenté d'un côté et condamné pour meurtre de l'autre). Plus tard, OJ Simpson, à demi mot, avouera quasiment le meurtre.
Et on se dit, putain, dommage que cela tombe sur lui, que dans la longue litanie des décision iniques judiciaires, la balance soit rétablie pour un type comme Simpson.
Voilà ce que je me dis, blanc caucasien, dans ma banlieue tranquille de Bordeaux, encore groggy par ce formidable documentaire
Puis je me replonge dans mon livre.
À West Baltimore dans les années 1980, les gangs et le crack sont le seul horizon des gosses du quartier.
Ta-Nehisi est voué lui aussi à devenir un bad boy. Mais son père Paul, ancien Black Panther passionné de littérature, lui fait découvrir Malcolm X et James Baldwin.
C'est une révélation. L'adolescent rêveur, égaré dans les frasques d'une famille hors norme, se jure d'échapper à son destin.
J'avais adoré UNE COULEUR NOIRE du même auteur, lettre ouverte à son fils suite au violences policières et à l'épidémie de bavures mortelles en découlant et ciblant les afro-américains.
Ta-Nehisi Coates est ainsi devenu une figure majeure du
Coates revient dans LE GRAND COMBAT sur son enfance, son parcours.
Ultra référencé, ce livre est formidable mais moins universel que ne l'était UNE COLÈRE NOIRE. Surtout il est une ode à sa famille. Une mère aimante et un père militant, qui maniait volontiers le ceinturon en guise de méthode éducative mais qui avait l'immense mérite au yeux de Coates d'être là, de ne pas s'être enfui comme bon nombre de pères putatifs qui une fois la braguette remontée se barrent à l'aut' bout du quartier.
"Il nous inspirait un sentiment étrange, à mi-chemin entre la haine et une totale révérence. Aucun de nos amis n’avait de père et en cela il était un don du ciel mais il était difficile de lui en être reconnaissant."
Porté par une plume pulsative, un rythme quasi hiphopien, syncopé, LE GRAND COMBAT conte un éveil. Plus qu'à l'écriture, à la culture au sens large.
Ce livre conte un affranchissement. Des règles mises en place, de la tradition de l'asphalte défoncé des rues mal éclairées de ce quartier de Baltimore (le même que montré dans la série magistrale SUR ECOUTE / THE WIRE).
"C’est mon instinct de cow-boy qui réagit le premier, la pensée que, en dépit de ma maladresse et de mes lunettes recollées, du sang rebelle coulait dans mes veines, et cette idée m’emplit d’une fierté stupide et enfantine. Tout le monde a besoin de mythes. Et ici, dans le Far West de Baltimore où nous avions perdu la foi, où régnait la loi barbare, quelle serait notre magie? Quels seraient les mots sacrés ?"
Coates ne se fait pas d'illusion, il a surtout eu de la chance, d'éviter un destin tracé comme une ligne de coke. Il a eu la chance de découvrir les grandes figures intellectuelles du combat noir contre la ségrégation.
Au premier rang desquels James Baldwin :
Écrivain, essayiste et polémiste américain.
Héros du chef d'oeuvre documentaire (décidément) :
Je ne ferais pas une apologie forcément gênante de ce film.
Scandées par la voix rocailleuse de Joey Starr, les citations de Balwin qui émaillent ce film sont brûlantes, incandescentes.
JE NE SUIS PAS VOTRE NÈGRE est un film bouleversant.
La scène où un présentateur blanc susurre à Baldwin, que quand même ça va bien, les Noirs font même de la pub maintenant. La réplique cinglante de Baldwin et le regard de ce présentateur tel un lapin pris dans les phares...
Il n'y pas de problématique plus puissante dans la société
Et ce n'est pas près de s'arranger...
0 commentaires :
Enregistrer un commentaire