lundi 11 septembre 2017


"Personne ne revient de cet endroit où tu t’es rendu. Personne ne s’échappe jamais de la Panse."

***

"Vas-y lance les dés..
- Ouuuuuuuui, 'tin ! j'ai fait cinq 10, 5 touffues réussites !
- Ouaip, c'est pô mal. Mais tu es mort.
-Quoi ! Mais j'ai fait cinq réussites sur 5 jets possibles, c'est une anomalie statistique qui pourrait presque créer un trou de vers et engloutir l'univers connu !
- Oui... Mais bon... C'est Cthulhu..."

Bien le bonjour les aminches.

Cette scène vécue, d'une soirée jeux de rôle...



L'APPEL DE CTHULHU d'après ce bon HP Lovecraft. Les initiales de ses prénoms, il les porte bien.

Hp pour un cintré, c'est pas si con...

Parce que l'était bien bien barré l'ami Lovecraft...



... hygiéniste pathologique, antisémite fervent, raciste convaincu, il est aussi l'auteur de plusieurs bouquins d'horreur, à son image, peu sympathiques, morbides et sans espoirs.

A l'image du jeux de rôles, les pauvres humains se débattant dans ses pages, n'ont strictement aucunes chances face aux monstruosités des abysses qui leur tombent sur le râble. Ils y laissent la vie, ou la raison. Le plus souvent celle ci avant celle là.

Lovecraft a suscité un engouement un poil étrange à mes yeux, j'ai lu une poignée de ses bouquins et il sont calibrés à l'identique : un homme [les femmes sont généralement absentes des romans et nouvelles de Lovecraft. Je le soupçonne de les trouver encore plus incompréhensibles que les créatures tentaculaires qui hantent sa plume] se débat face à l’Innommable et perd, fatalement...

Attention, on ne peut nier une certaine efficacité. Il sait monter en tension Lovecraft, installer un climax, une ambiance poisseuse. Oui, mais voilà, je trouve son oeuvre un poil surestimée et je suis plus intéressé par ce que ses "héritiers" en ont fait. 

Car nous avons de nombreux thuriféraires de Lovecraft. King, Somoza etc ont tous écrit à un moment ou un autre leur livre à la manière de...

Les Français ne sont pas en reste. Arnaud Delalande a ainsi commis un thriller hommage plutôt roublard et bien troussé.

Léo Henry s'est lui aussi risqué à emprunter les mêmes sentiers que le maître.



Bastien Regnault part à la recherche de Diane, sa sœur jumelle, dont la famille n’a plus de nouvelles depuis plusieurs mois. 

Des indices convergents le mènent très vite à la Défense. 

Le quartier d’affaires, chargé d’histoire, va, petit à petit, se dévoiler à lui, lui révélant un monde inconnu et souterrain...

Où, semble-t-il, officie une mystérieuse et très ancienne société secrète : la Panse.





Léo Henry respecte les canons Lovecraftien mais il apporte quelques petits plus fort judicieux.

Tout d'abord une modernité qui nous rend immédiatement accessible cette histoire un brin branlante du cervelet. 

Certes, l'ambiance morne et pluvieuse de la nouvelle Angleterre de Lovecraft apportait une touche gothique. Mais la vision de ces petits boulots, ces forçats qui nettoient les bureaux au petit matin nous glacent finalement plus que les Léviathan qui hantent les bas fonds de La Défense.

Les personnages de Léo Henry, tout aussi antipathiques que pouvaient l'être les avatars de papier lovecraftien, sont montrés avec une précision quasi entomologique.

Les rebuts du capitalisme triomphant, les petites mains qui se font broyer pour que les engrenages coulissent, sont montrés dans toute leur solitude et leur épuisement inépuisable. 

Et le management roublard, évolutif, "Darwiniste" pour tout dire...

"Des fois je me dis qu'on a jamais que ce qu'on mérite (...). Les coups dans la gueule, c'est mal vu. Les sévices laissent des traces. La manipulation, par contre. La manipulation est devenue la panacée. C'est comme ça qu'on vend le savon et qu'on dirige ses subordonnés. Tu vois, le pervers narcissique, ça n'est au fond que l'adaptation du mâle dominant à son nouvel écosystème"

Puis, cette peinture presque naturaliste se fait, peu à peu, plus décalée, déviante. Insensiblement l'on passe de Zola à Poe. Là est l'une des plus grandes réussites de Léo Henry. 

Et... Faut dire... Il a su choisir son décor. 


Le quartier de la Défense. Et ses souterrains. 

Étrange lieu. Qu'il n'ait pas encore suscité de docus sensationnalistes et paranormaux sur les poubelles de la TNT me laisse songeur.

La Défense est un protagoniste à part entière de LA PANSE.

Étouffant, sinueux, labyrinthique.

"Le labyrinthe comme le cercle sont des formes d'architecture qui gaspille de l'espace. Ce sont des figures irrationnelles et inefficaces, donc inattendues. Elles déroutent les énergies et piègent les flux. Elles ont le pouvoir de dissimuler et de rendre invisible."

Vous l'aurez compris LA PANSE ce n'est pas la fête du sloub qui nous ménagent de francs éclats de rire et ces petits moments de poésie qui donnent foi en l'humanité. 

Malgré tout, la lutte acharnée de Bastien pour retrouver sa sœur se laisse suivre sans effort. Le dénouement laisse quelque peu le lecteur désemparé, sans toutes les informations utiles mais n'est pas non plus le foutage de tronche qui polluent parfois ce genre de production littéraire. 

Nan, finalement, un chouette bouquin, bien foutu, bien écrit, marqué par un fatum indécrottable : 

"Tu peux quitter la tour, abandonner tes frères. Tu peux t'en aller de la Défense. La Panse sera toujours là et toi au-dedans."

Moi, la Panse, je l'ai plutôt en dehors, située sur ma ceinture abdominale mais ça, c'est une autre histoire.

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