"-Pourquoi refuserait-on de se connecter ? Ça n’a pas de sens.
-Mais peut-être qu’il n’a pas de connexion ?
-Pas à moi, affirma Vorski. C’est un acte délibéré. Il a vraiment décidé de nous emmerder. Il y a préméditation.
-Il vous emmerde vraiment ? Je veux dire, vous à tire personnel ?
-Je ne vais pas me mettre à discuter les ordres. Je suis là pour appliquer la loi, un point c’est tout.
-Mais quelle loi au juste ce type a-t-il enfreinte ?
-Ce type-là ? Qu’est-ce qui vous fait croire qu’il s’agit d’un homme ?
-Pardon ?
Vorski recula son fauteuil, regarda à nouveau Thomas par en dessous.
-Vous connaissez le vieux dicton policier : cherchez la femme.
[…]
-Personne ne le connaît, vous êtes d’accord ? Donc impossible d’avoir un témoignage. D’ailleurs, c’est bien pire que ça. Qu’est-ce qu’ils s’imaginent en haut lieu ? Dès qu’on aura un témoin, on saura qui c’est, donc ça ne sera pas Lui. Vous me suivez ? "
***
"Bonjour, je m’appelle Micmac.
- Bonjour Micmac.
L’assistance de la réunion du jour des Handicapés Numériques était clairsemée, tant ce handicap particulier tend à se résorber.
- Je m'appelle Micmac et je n'ai pas de smartphone.
J'aperçus quelques hochements de têtes graves, se désolidarisant déjà.
- Je n'ai pas non plus...
J'eus un moment de vertige, les mains crispées sur le pupitre. Dieu que ce moment était gênant...
- Je n'ai pas non plus de compte Facebook, Twitter ou Instagram.
- Depuis quand ? murmura une voix étouffée, incrédule devant mon inadéquation sociétale, voulant encore m'accorder le doute d'une défaillance passagère, un retrait récent de la connectivité mondiale.
- Je n'en ai jamais eu.
- Oh...
Je pris cette rumeur de surprise désapprobatrice de plein fouet.
- En outre, j'étouffais un sanglot, mon téléphone portable ne me sert qu'à téléphoner. Je ne peux pas recevoir de MMS.
Un accueil figé, glacial, accueillit cette annonce. Je m'efforçais de sourire bravement.
- Mais je connais pire que moi !"
Salutation les aminches.
Une fois n'est pas costume, commençons, voulez vous, par une anecdote personnelle, réelle celle ci.
Quelques temps déjà, sur mon lieu de travail, je récupérais un smartphone. Un vrai. Que je devais envoyer à son propriétaire légitime qui l'avait oublié. Ce dernier avait programmé un réveil récurrent : tous les jours, à 7 heures, le smartphone bibipait longuement.
Je devais donc déprogrammer ce réveil.
Aucun problème !
...
...
L’écran tactile est une invention du diable pour éprouver nos nerfs et nous pousser à la dépression nerveuse.
Un passement de doigt et le menu défile sous mes yeux et moi de fondre tel un aigle sur le mulot innocent, la pulpe de l'index tentant de presser la rubrique "alarme.
Raté !
Encore.
Je finis par crocheter, littéralement, la coque du smartphone pour enlever la batterie.
Je suis la méga burne en nouvelles technologies. Le portable idéal est celui dont je peux comprendre le fonctionnement en cinq minutes.
Ajoutez à cela une incompréhension teintée d'une réaction moralisante face aux réseaux sociaux. Entendons nous bien, je saisis que Facebook, Twitter et CONsorts ne sont, somme toute, que des outils. Ils ne sont que ce que nous en faisons. Malgré tout, je ne peux m'empêcher de penser que cette sublimation de transparence malsaine, cette comptabilité grotesques "d'amis" binaires ne sont que l'accomplissement abouti de leur logique interne.
Ce n'est pas peu dire que ce bouquin m'a parlé.
Créatif dans la publicité, Thomas se sent étranger au monde digital et ultra-connecté d'aujourd'hui.
Considéré comme un "has been", il est sur un siège éjectable lorsqu'une mystérieuse officine entend exploiter son inadaptation à la Toile pour retrouver "l'Inconnu"
Personnage qui défie l'ordre des choses en vivant totalement en dehors d'Internet, et qui paradoxalement a des millions de fans.
Écartons d'emblée une certaine confusion. UN TROU DANS LA TOILE n'est pas un polar ni un thriller futuriste.
C'est un récit réjouissant d'un amoraliste misanthrope. Un conte bouffon et absurde sur une quête vaine, avortée avant même de débuter : comment débusquer l'Inconnu puisque si on le trouve, il ne le sera plus, Inconnu ?
UN TROU DANS LA TOILE est un OLNI.
Un Objet Littéraire Non Identifié. Une soucoupe qui tangue de tous côtés et qui nous embarque dans ses secousses incessantes.
Parsemé de trouvailles savoureuses, telle cette scène au début du livre où le héros Thomas ne peut stopper le défilement (bienvenue au club) de son planning informatique et découvre, effaré, que tous ses lundis après midis sont bookés jusqu'en 2070. Ou encore la piquante trouvaille de Valdor, archétype de l'artiste contemporain, bouffi de rien, adepte "d'installation littéraire" comme son Pamela Grandet où un programme substitue tous les Eugénie de l'EUGENIE GRANDET de Balzac par des Pamela. Et de prétendre à un génie de la vacuité et du marketing.
Un régal.
La plume sarcastique, distante et précise, participe de cette lecture lucide et désenchantée de notre monde post-moderne et nous hissent régulièrement les commissures des lèvres en un sourire franc et massif :
"-C’est une pièce unique, la fenêtre est hermétiquement fermée. Nous sommes dans un cas classique d’énigme de chambre close.
-Pas tout à fait, dit Thomas. La porte était ouverte quand je suis arrivé.
-Cas classique d’énigme de chambre close, avec en plus la porte ouverte, dit Vorski. Le mystère s’épaissit. "
Le héros, Thgomas, distancié, indifférent à tout comme à lui même, nous sert de Charron sur un Styx déshumanisé, peut-être un brin convenu parfois :
"Dans la petite communauté de la création publicitaire, Eugène était une légende. Eugène était le Black de la pub (plus personne n’osant dire Noir). Il n’était pas le seul Black de la pub, à dire vrai il l’était probablement moins que les deux New-Yorkais récemment engagés qui écoutaient du rap toute la journée au fond du couloir, mais il l’avait été très longtemps et c’est ainsi que tout le monde pensait à lui. Eugène totalisait vingt-cinq ans en agence, sans jamais avoir rien fait de ses journées, ce qui constituait son deuxième signe distinctif et le deuxième pilier de sa légende."
Toujours jubilatoire !
Que reproche-t-on à l'Inconnu ? De ne pas cocher les bonnes cases ? De ne pas être dans la bonne case ? D'échapper en fait, d'échapper.
"L’existence même de l’Inconnu est une insulte à la médiatisation en général, au désir de médiatisation pour être précis, donc une menace économique et sociale."
Mais j'y songe.
Je connais bien quelqu'un qui n'a pas de portable. Pas même un Nokia antédiluvien.
Je m'en vais de ce pas le dénoncer aux autorités compétentes et concernées*.
- Bonjour Micmac.
L’assistance de la réunion du jour des Handicapés Numériques était clairsemée, tant ce handicap particulier tend à se résorber.
- Je m'appelle Micmac et je n'ai pas de smartphone.
J'aperçus quelques hochements de têtes graves, se désolidarisant déjà.
- Je n'ai pas non plus...
J'eus un moment de vertige, les mains crispées sur le pupitre. Dieu que ce moment était gênant...
- Je n'ai pas non plus de compte Facebook, Twitter ou Instagram.
- Depuis quand ? murmura une voix étouffée, incrédule devant mon inadéquation sociétale, voulant encore m'accorder le doute d'une défaillance passagère, un retrait récent de la connectivité mondiale.
- Je n'en ai jamais eu.
- Oh...
Je pris cette rumeur de surprise désapprobatrice de plein fouet.
- En outre, j'étouffais un sanglot, mon téléphone portable ne me sert qu'à téléphoner. Je ne peux pas recevoir de MMS.
Un accueil figé, glacial, accueillit cette annonce. Je m'efforçais de sourire bravement.
- Mais je connais pire que moi !"
Salutation les aminches.
Une fois n'est pas costume, commençons, voulez vous, par une anecdote personnelle, réelle celle ci.
Quelques temps déjà, sur mon lieu de travail, je récupérais un smartphone. Un vrai. Que je devais envoyer à son propriétaire légitime qui l'avait oublié. Ce dernier avait programmé un réveil récurrent : tous les jours, à 7 heures, le smartphone bibipait longuement.
Je devais donc déprogrammer ce réveil.
Aucun problème !
...
...
L’écran tactile est une invention du diable pour éprouver nos nerfs et nous pousser à la dépression nerveuse.
Un passement de doigt et le menu défile sous mes yeux et moi de fondre tel un aigle sur le mulot innocent, la pulpe de l'index tentant de presser la rubrique "alarme.
Raté !
Encore.
Je finis par crocheter, littéralement, la coque du smartphone pour enlever la batterie.
Je suis la méga burne en nouvelles technologies. Le portable idéal est celui dont je peux comprendre le fonctionnement en cinq minutes.
Ajoutez à cela une incompréhension teintée d'une réaction moralisante face aux réseaux sociaux. Entendons nous bien, je saisis que Facebook, Twitter et CONsorts ne sont, somme toute, que des outils. Ils ne sont que ce que nous en faisons. Malgré tout, je ne peux m'empêcher de penser que cette sublimation de transparence malsaine, cette comptabilité grotesques "d'amis" binaires ne sont que l'accomplissement abouti de leur logique interne.
Ce n'est pas peu dire que ce bouquin m'a parlé.
Créatif dans la publicité, Thomas se sent étranger au monde digital et ultra-connecté d'aujourd'hui.
Considéré comme un "has been", il est sur un siège éjectable lorsqu'une mystérieuse officine entend exploiter son inadaptation à la Toile pour retrouver "l'Inconnu"
Personnage qui défie l'ordre des choses en vivant totalement en dehors d'Internet, et qui paradoxalement a des millions de fans.
Écartons d'emblée une certaine confusion. UN TROU DANS LA TOILE n'est pas un polar ni un thriller futuriste.
C'est un récit réjouissant d'un amoraliste misanthrope. Un conte bouffon et absurde sur une quête vaine, avortée avant même de débuter : comment débusquer l'Inconnu puisque si on le trouve, il ne le sera plus, Inconnu ?
UN TROU DANS LA TOILE est un OLNI.
Un Objet Littéraire Non Identifié. Une soucoupe qui tangue de tous côtés et qui nous embarque dans ses secousses incessantes.
Parsemé de trouvailles savoureuses, telle cette scène au début du livre où le héros Thomas ne peut stopper le défilement (bienvenue au club) de son planning informatique et découvre, effaré, que tous ses lundis après midis sont bookés jusqu'en 2070. Ou encore la piquante trouvaille de Valdor, archétype de l'artiste contemporain, bouffi de rien, adepte "d'installation littéraire" comme son Pamela Grandet où un programme substitue tous les Eugénie de l'EUGENIE GRANDET de Balzac par des Pamela. Et de prétendre à un génie de la vacuité et du marketing.
Un régal.
La plume sarcastique, distante et précise, participe de cette lecture lucide et désenchantée de notre monde post-moderne et nous hissent régulièrement les commissures des lèvres en un sourire franc et massif :
"-C’est une pièce unique, la fenêtre est hermétiquement fermée. Nous sommes dans un cas classique d’énigme de chambre close.
-Pas tout à fait, dit Thomas. La porte était ouverte quand je suis arrivé.
-Cas classique d’énigme de chambre close, avec en plus la porte ouverte, dit Vorski. Le mystère s’épaissit. "
Le héros, Thgomas, distancié, indifférent à tout comme à lui même, nous sert de Charron sur un Styx déshumanisé, peut-être un brin convenu parfois :
"Dans la petite communauté de la création publicitaire, Eugène était une légende. Eugène était le Black de la pub (plus personne n’osant dire Noir). Il n’était pas le seul Black de la pub, à dire vrai il l’était probablement moins que les deux New-Yorkais récemment engagés qui écoutaient du rap toute la journée au fond du couloir, mais il l’avait été très longtemps et c’est ainsi que tout le monde pensait à lui. Eugène totalisait vingt-cinq ans en agence, sans jamais avoir rien fait de ses journées, ce qui constituait son deuxième signe distinctif et le deuxième pilier de sa légende."
Toujours jubilatoire !
Que reproche-t-on à l'Inconnu ? De ne pas cocher les bonnes cases ? De ne pas être dans la bonne case ? D'échapper en fait, d'échapper.
"L’existence même de l’Inconnu est une insulte à la médiatisation en général, au désir de médiatisation pour être précis, donc une menace économique et sociale."
Mais j'y songe.
Je connais bien quelqu'un qui n'a pas de portable. Pas même un Nokia antédiluvien.
Je m'en vais de ce pas le dénoncer aux autorités compétentes et concernées*.
* Tremble mon BBF. Certains cadeaux ont des répercussions inattendues.
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