dimanche 30 octobre 2016


« Nous sommes ce que nous feignons d’être, aussi devons-nous prendre garde à ce que nous feignons d’être. »

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Bien le bonjour les aminches. 

Ah ça grince chez le tenants de la littérature bien comme il faut, bien peignée et la frange savamment posée.

Il y a comme un changement.



Bon autant vous le dire je m'en carre le moignon, quelque chose de bien, du Nobel de littérature mais voir les Finkielcroute et Titine (s)Ang(l)ot se lamenter de la chute de la civilisation a quelque chose de réjouissant.

Et puis le nombre d'auteurs injustement oubliés remplirait aisément plusieurs vies.

Tiens... 

Au hasard :



Kurt Vonnegut Jr.

Immense écrivain. 

Mais il a contre lui 1/ d'être mort. 2/ d'être étiqueté auteur de SF. Rédhibitoire. Vaut mieux être décédé que mouliner de la SF pour choper le Nobel. 

L'ami Kurt est surtout connu pour son phénoménal roman : 



Récit halluciné et hallucinant de la seconde guerre mondiale et surtout du bombardement de la ville de Dresde par les Alliés. Bombardement que ne justifiait aucuns enjeux stratégiques hormis celui de mettre les Allemands à genoux, les rotules plantés dans la terre grasse ; et pour ce faire on rasa quasiment une ville pour bien marquer les esprits.

Nous restons dans le champs de la deuxième guerre mondiale avec son roman NUIT MÈRE qui se veut plus primesautier. Marrons nous un brin avec les nazis...

Malaise..?

Entendons nous bien les filles, nous ne parlons pas là du rire franc et massif, boulevardier, portes qui claquent et mari dans le placard. Non, il s'agit du rire grinçant, gênant.




Howard W. Campbell Jr attend d’être jugé pour crimes de guerre dans une cellule de Jérusalem. 

Ce dramaturge exilé en Allemagne est connu pour avoir été le propagandiste de radio le plus zélé du régime nazi. 

Mais il clame aujourd’hui son innocence et prétend n’avoir été qu’un agent infiltré au service des Alliés. 

Il lui reste désormais peu de temps pour se disculper et sauver sa peau.




Ce roman qui date de 1961 est d'une incroyable modernité. En effet, le nazi érudit et cultivé qui témoigne à bonne distance de la barbarie à laquelle il a contribué est devenu un avatar incontournable. De Jonathan Littell et ses BIENVEILLANTES (prix Goncourt) à Stephen King et son ÉLÈVE DOUÉ, le SS fascine et dégoûte dans le même mouvement nauséeux. 

Mais Vonnegut fait de son personnage principal un modèle de distanciation, certes il a permis de faire passer des messages top secret dans ses pièces radiophoniques mais il fut aussi le propagandiste les plus doué de la machinerie nazie ; sans que l'on sache vraiment laquelle de ces deux activités le définissait le plus intimement.

Campbell le narrateur subit plus qu'il ne provoque les événements et fait montre d'une passivité malsaine. On le préférerait presque plus acharné, il est un poil mou du brassard. 

Cette position de neutralité lymphatique, Vonnegut en joue pour nous asséner quelques vérités dérangeantes sur l'hypocrisie du monde libre qui sut récupérer quelques caciques du régime nazi. 

Il y va l"ami Kurt : la guerre qui encalmine les cerveaux, la religion qui ne libère pas outre mesure non plus les synapses : 

« Vous direz ce que vous voudrez sur le doux miracle de la foi inconditionnelle, j'en considère la propension comme terrifiante et terriblement ignoble. »

Vonnegut réussit encore son coup même si NUIT MÈRE n'est pas tout à fait au même niveau qu'ABATTOIR 5. 

Peu nous importe en fait que Campbell fut un véritable nazi, un héros de guerre méconnu, un dramaturge moyen mais un homme médiocre, NUIT MÈRE nous déconcerte, nous amuse (les passages sur les néo nazis américains sont hilarants) et nous grince de nos amuser. 

Difficile de savoir qu'en penser, en fait. Quelle morale tirer de ce court roman captivant et intense ?

« Celle-ci est la seule de mes histoires dont je connais la morale. Je ne pense pas que cette morale soit merveilleuse ; il se trouve simplement que je la connais : nous sommes ce que nous feignons d'être, aussi devons-nous prendre garde à ce que nous feignons d'être. » dit Kurt Vonnegut en introduction à Nuit mère. 

Avant d'ajouter, plus loin, pour faire bonne mesure : « Il existe une autre morale limpide à ce récit, maintenant que j'y pense : Quand vous êtes mort, vous êtes mort. Et voilà une autre morale qui me vient à l'esprit : Faites l'amour quand vous pouvez. C'est bon pour la santé. »

Pas mieux...

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