Parlons donc d'une chute. Mais non celle sempiternellement répétée (au point que je souhaitais une défaite de BipBip quand j'étais minot) d'un coyote. Plutôt celle d'un autre canidé aux canines affûtées.
Une autre sorte d'animal.
Pablo Escobar. Le mec qui a inventé l'industrialisation de la coke. Qui pesait à son firmament 3 milliards de dollars. La septième fortune du globe.
Puis qui a tout perdu.
La série de Netflix revient. Une série qui devait décrypter l'univers du narco-business, l'emprise du trafic de drogue sur notre boule bleue mais qui s'apparente surtout à un biopic de Pablo Escobar sur ses deux premières saisons.
Après un premier chapitre haletant et bien troussé, les showrunners nous proposent la fin d'Escobar, sa traque et sa chute inéluctable.
Inéluctable car El Diablo a oublié un truc fondamental. Quand tu trapatouille de la merde illégale, mieux vaut le faire dans l'ombre. L'était trop flamboyant Escobar, il attirait trop les regards. L'obscurité sied mieux à la revente de cocaïne que les feux de la crampe. Ce qu'a bien compris le cartel de Cali, deuxième plus important trust du business de la poudre. Trop heureux de laisser le pelage de chef de meute à Pablo et la cible sur l’échine qui va avec.
La réussite de NARCOS doit énormément au talent de son acteur principal Wagner Moura :
Il prête sa silhouette lourde, son allure de papa gâteau passant en un clignement de cil du bon gros sympa à une machine à tuer. D'un charisme étrange, bon père, époux aimant mais qui ne s'encombre guère de considérations humanitaires, que dis je, de la plus élémentaire empathie quant aux vies humaines qui ne gravitent pas dans son environnement immédiat.
Wagner Moura livre une composition bluffante, loin des monstres de foires affligés d'une mobilité grimacière de tous les instants. Il ne cabotine jamais mais impose la présence écrasante du "Patrone". Réellement impressionnant.
Cela dit... L'ami Wagner a tendance à éclipser le reste du casting, notamment la paire de flics pistant sa couenne :
Il faut bien avouer que les acteurs ont moins de matière. Les showrunners ont beau tenter d’épaissir les personnages, singulièrement celui incarné par le terne Boyd Holbrook (à droite), en insufflant une crise familiale classique dans le couple, le résultat n'est guère convaincant.
Pedro Pascal s'en sort mieux. D'abord par la présence de l'acteur, un peu moins endive que son partenaire, mais surtout par le double jeu qu'il mène, fournissant des infos sensibles aux milices paramilitaires qui font, elles aussi, la chasse à l'Escobar.
Car la grande force de NARCOS, outre Wagner Moura, c'est bien la mise en place et le déroulé implacable, d'une immense chasse à l'homme, toutes les (mauvaises) volontés étant acceptées pour abattre THE caïd.
Et 'tain ! Il l'a foutrement cherché. Mais que des milices d’extrême droite se mettent à massacrer tout ce qui ressemble de près ou de loin à un sicario d'Escobar et c'est tout Medellin qui fait songer à des toiles de Bacon peintes à l'hémoglobine.
Tous les moyens sont bons pour faire chuter Escobar, quitte à favoriser un autre Cartel, qui prendra bientôt sa place, plus efficace et tout aussi meurtrier. Le Cartel de Cali affûte ses couverts et engloutira bientôt les dernières miettes de l'empire du "Trafiquante". L'introduction de ce nouveau Big Evil Chief au centre d'une troisième saison à venir est un modèle de fluidité scénaristique
Sans oublier le jeu trouble de la CIA. Il est éclairant quant à sa vue à très très court terme, on a un peu l'impression de voir des ados (mal) jouer à Donjons et Dragons : un monstre après l'autre, sans vision d'ensemble et stratégie au long cours.
La fin de Pablo Escobar durant moins longtemps que son ascension, cette deuxième saison peut prendre son temps. Les léger défauts de la première saison : un rythme parfois un brin frénétique, un tempo pied au plancher pour avaler dix ans d'une vie bien remplie, une voix off envahissante et un poil didactique, ne sont pas répétées dans cette deuxième fournée. Les deux derniers épisodes sont mêmes un peu lents, quasi cotonneux, et c'est loin d'être désagréable.
On assiste sidérés à la déchéance d'un type qui avait tout : un pays à ses pieds, une montagne de fric, un zoo privé (!) et qui, sans sa fortune, ne vaut pas un pet sur une toile cirée.
Sans jamais tomber dans une fascination malsaine ou une justification honteuse, NARCOS montre toute l'humanité d'un homme, ses contradictions, une illustration sérielle d'une banalité du mal toute Arendtienne...
La chute.
D'un homme.
Médiocre, sanguinaire, cruel etc.
Mais juste un homme...
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