"Le passé est tenace, il ne veut pas être changé."
***
Jake Epping est un professeur de littérature. Il écoute, les larmes aux yeux, Harry, homme de ménage du lycée où il officie, raconter la nuit horrible où son père a tué sa famille à coup de marteau et lui a défoncé le crâne, lui laissant des séquelle irrémédiables : "je me souviens que le sang avait l'odeur de la petite monnaie".
Cette scène, au début du grand (mais vraiment très grand) livre de Stephen King 22.11.1963, démontre tout le talent de l'auteur pour nous rendre attachant, terrifiant, immédiat, le ressenti et la tension de ses personnages.
Cette attention aux détails, la complexité de la trame du bouquin, son intensité phénoménale sont-elles fidèlement rendues dans la série éponyme ?
Jake Epping est un professeur d'anglais fraichement divorcé, vivant et enseignant à Lisbon Falls dans le Maine. Il fréquente régulièrement le snack-bar d'Al Templeton.
Un soir, ce dernier lui apprend qu'il souffre d'un cancer du poumon. Il lui révèle également que dans son local se trouve un portail temporel menant en 1960.
Templeton lui explique qu'il a tenté d'empêcher l'assassinat de John F. Kennedy, mais qu'il a dû y renoncer à cause du cancer. Al souhaite donc que Jake accomplisse cette mission, qui permettrait de changer l'Histoire et notamment d'éviter la guerre du Viêt Nam.
Stephen King a une histoire compliquée avec la caméra, qu'elle filme pour le grand ou le petit écran. Finalement, la seule réussite éclatante, la relecture Kubrickienne de SHINING sera reniée par King himself. Qui chargera un tâcheron d'en faire une mini-série pour un résultat pitoyable.
Occultons soigneusement la foirade totale de UNDER THE DOME.
On a tous oublié la série DEAD ZONE, honorable disons mais très loin, à des années lumières du livre, l'un des meilleurs de King à mon sens.
C'est pourquoi l'annonce de la mise en chantier d'une mini série tiré de son oeuvre maîtresse, avec JJ Abrams aux manettes, m'a laissé un brin dubitatif...
Il a raison de se marrer l'ami Stephen ? Peut-il savourer pleinement le résultat ?
Et bien... Globalement oui.
11.22.63 est une réussite, si l'on part du postulat que le rendu télévisuel sera forcément en dessous du pavé littéraire original.
J'ai mentionné plus haut le rôle important de JJ Abrams (LOST, ALIAS et le dernier STAR WARS itou pour que l'on apprenne à se méfier du mec).
Un beau gosse est tout aussi fondamental.
James Franco dans le rôle principal, celui de Jake Epping. Il a porté le projet et a joué de son nom et son aura pour convaincre de la viabilité du projet.
Bon...
Autant me fâcher tout de suite avec la frange la plus fervente du fan club du beau James, son interprétation ne m'a guère convaincu. Il passe sans cesse du froncement de sourcil intense au sourire toutes ratiches dehors, en un rictus figé assez déroutant.
Cela étant, son physique et sa, disons, bonhomie, sincérité ? Ce que l'on voudra, rend bien l'angle bon gars de Jake Epping, un type normal plongé dans une histoire le dépassant de beaucoup, qui s’échine à faire ce qui est juste.
Heureusement il est bordé de seconds rôles très convaincants eux.
Le vétéran Chris Cooper, éternel second couteau talentueux, impeccable comme toujours, dans le rôle de Al, Charron guidant Jake dans les arcanes des Sixties et du possible complot pour fumer Kennedy.
11-22-1963 est aussi l'occasion de réviser son manuel du parfait Kennedy-légistologue ? Lee Harvey Oswald, seul ou en meute ? Téléguidé par la CIA ? La Mafia ? Le KGB ? Le complexe militaro-industriel ? La main de ma sœur ?
A cela King apporte une réponse tranchée (que je dévoilerai point ici pour ne pas spoiler) mais qui s'avère nécessaire au bon déroulement de sa fiction. Conviction intime ou bien arrangement fictionnel de l'écrivain ?
Quoi qu'il en soit la masse d'informations collectées par King est indéniable et énoncée clairement dans la série.
Un mot aussi pour souligner la performance surprenante de Josh Duhamel :
Beau gosse aperçu dans des bouses blockbustérisées (TRANSFORMERS) où des séries lisses et formatées (LAS VEGAS).
Il était déjà très bon dans la chouette BATTLE CREEK. Il est foutrement génial, flippant et abject, en Franck Dunning, le temps d'un seul épisode, mais il fait sensation.
Le roman de king était aussi une histoire d'amour, poignante et déchirante, et la lumineuse Sadie Dunhill est mise en beauté par l'actrice Sarah Gadon.
D'une beauté stupéfiante, quasi intimidante, mais que Sarah Gadon arrive peu à peu à faire oublier pour laisser transparaître ses fêlures et sa force.
11-22-1963 parvient à réconcilier les fans de king avec les adaptations de ses bouquins.
Même si la série n'a pas la puissance évocatrice des pages de l'ami Stephen : la description à charge et féroce de Dallas a été largement édulcorée, il ne s'agirait pas de s’aliéner des téléspectateurs possibles.
Idem pour l'idée (géniale) qui sous tend le livre de King : "le passé ne se laisse pas faire!".
Le passé se battra, emploiera toutes les ruses les plus sournoises pour empêcher que sa trame soit détricotée et réécrite. L'encre de King nous asséchait la lippe en décrivant la résistance passive puis franchement agressive du Passé pour protéger sa ligne temporelle.
Le Passé montré comme une entité quasi maléfique, ce qui n'est pas réellement exploité dans la série. Mais, mais... je n'en ai vu que la moitié.
La série convainc plus par son sens du récit, ses moments suspendus où les protagonistes racontent leurs souvenirs, comme une veillée au coin du feu (récurrent là aussi dans l'oeuvre de King).
Par son rendu des années 60, l'émerveillement de Jake devant le coût infime de la vie, cette simplicité directe des rapports humains et son dégoût devant ce racisme institutionnalisé, imbibant littéralement les synapses. Comme quoi, oui, l'histoire hoquette, a des renvois réguliers.
11-22-1963 est donc une bonne série, honnête et solide, peut-être même plus que cela si son dénouement est à la hauteur de son inspiration de papier.
Juste que vous devez bien comprendre les aminches, que toute sincère et finalement aboutie soit cette série, elle est loin du livre de King, peinture saisissante des Sixties, grand roman d'amour, vibrant et intense bouquin.
Stephen King, éternel sous estimé des lettres américaines, un peu un Dickens 2.0, si l'on me permet cette audace grandiloquente.
Éternel sous estimé un peu comme Bruce Springsteen tient, toujours montré comme un aimable bûcheron tendance bourrin à la voix rauque.
Et hop, 'oilou comment l'on case un morceau du Boss :
Mais King ne m'en voudrait pas...
Bon, j'avoue, là, typiquement, il s'agit d'une série que je ne regarderai - probablement - jamais, tellement j'ai adoré le livre, tellement je me suis laissée embarquer dans son atmosphère, tellement... tellement je n'ai pas envie de voir d'autres images dans ma tête, d'autres personnages, que ceux que je me suis créés. Ou alors quand mes souvenirs de lecture se seront assez estompés pour que je donne une chance à la série... :)
RépondreSupprimerOui je peux comprendre. J'ai eu le même dilemme. Finalement, ils ne s'en sortent pas trop mal, bien aidées par la mécanique de haute précision émotionnelle de la fiction Kingienne.
Supprimermais on reste en dessous du chef d'oeuvre de King, bien obligé...
oui mais y a james franco quand même ^^
Supprimernon je déconne
j avais peur aussi, les adaptations de king sont toujours ratées et en règle générale, peu de films/séries arrivent à la hauteur du bouquin, c est fatal on sera toujours en dessous du livre, parce que notre imaginaire n est pas le même que celui d un réalisateur bloqué par des problèmes concrets, choix des acteurs, décors, adaptation, fric... j en passe. La série sera forcément faite de compromis. Je suis étonnée d ailleurs que tu ne parles pas du faux frère ;)
salut toi. Et bien le faux frère oui. mais là je serais plus indulgent, je ne le trouve pas si mal cet ajout.
SupprimerEn parler n'est pas forcément t synonyme d'en dire du mal !
Supprimerils n'avaient pas trop le choix, il fallait ajouter un personnage ou une voix off, pour répondre aux questions que le héros se pose
l ajout d'un personnage est plutôt pas mal dans le sens où ça ajoute un peu de rythme et une intrigue supplementaire