Un air de déjà vu

"- Bon... Alors ?

- Alors..? Je vous propose une inspectrice borderline.

- Géééénial. Foutrement novateur.

- Oui mais elle a les cheveux gras !

- Totalement inédit !

- Et des cernes ! Et des pull informes, moches comme des culs ?

- Que du nouveau dites moi !

- Oui mais je décale tout le bouzin à Londres.

- Ah ça change tout !

- Oui il y fait moins froid. Mon héroïne sera fun. Aussi marrante qu'un car de dépressifs chutant de la falaise.

- Désolé mais je ne le sens pas trop.
- Bon j'envoie du lourd : le tueur en série qu'elle n'a pas pu coffrer 10 ans auparavant remet un jeton dans le flip et en plus son mari la quitte !

- Mouais... Bof...

- Elle a des fugues psychiques ! Des angles morts, des trous noirs dont elle oublie tout ! C'est bien ça les fugues psychiques. Non ?"

***

Bien le bonjour les aminches.

Le polar se fait frisquet de nos jours. Finies les napperons et les théières remplies de thé cyanuré. Les dames du crimes, Agatha Christie et ses continuatrices PD James, Elizabeth Georges, Ruth Rendell, ont mis des caches nez et des moufles. 

Le policier est nordique ! 

Et rigolo aussi ! Aussi vanneur qu'un bol d'eau froide. Voyez Wallander ou Erlendur, sont au delà de la dépression les mecs. Derrick est un champion du stand up à côté !

La série télé s'y est mise, et comme il n'y pas de raison que la déprime soit genrée, on a féminisé la profession. Et hop THE KILLING (indépassable) et autre BRON (THE BRIDGE). 

Je le répète BRON et THE BRIDGE, c'est la même chose. Et non Canal + n' pas créé LE TUNNEL mais a tout pompé (scène par scène, dénouement compris) à la série venus des grands frimas. Canal + création originale, mon pull ! Enfin... mon cul !

Cette petite parenthèse n'est pas si incongrue car le créateur de la série dont je vais vous parler est celui de la série BRON.

On va bien se marrer donc.

Quand un inspecteur de la brigade des meurtres lui rend visite pour obtenir des informations sur un serial-killer ayant sévi 11 ans auparavant et s'étant remis à tuer, Marcella décide de réintégrer la brigade en question. 

Elle essaie en parallèle de sauver son couple après que son mari l'ait quittée elle et ses deux enfants. 

Elle devrait aussi essayer de résoudre ce léger problème de fugue psychique, quand elle déconnecte de la réalité et se réveille ailleurs, ayant  tout oublié de ce qu'elle a pu bien faire ses dernières heures. Comment elle est arrivée nue dans sa baignoire par exemple ? Couverte d'un sang qui n'est pas le sien.

Vous l'aurez compris les filles, quand je sarcastise à coudes rabattues c'est que je n'ai guère été convaincu. Mais je dois préciser que mes coudes sont tout de même en mode relative douceur et discrets calinous. 

Tout d'abord, l'interprète principale...

... Anna Friel, est d'une grande justesse et tient une note improbable entre la rupture mentale et le gémissement animal. Belle performance. 

Pour elle, on veut bien plonger dans les méandres d'une enquête nanawesque mais dont on sent le métier. Hans Rosenfeldt, le showrunner de BRON, nous refait le coup de sa série chérie, un casting mammouth, choral, empilant les protagonistes, qui finissent toujours par se croiser un moment ou l'autre. Impeccable machinerie, on se prend à ce whodunit ? Kiki qui dessoude bordelum ? Ménageant toujours un décalage pour essayer de nous cueillir.

Bon comme on envisage toutes les possibilités (enfin moi, j'y peux rien c'est plus fort que), on avait soupçonné le/la tueur/tueuse. Les cheveux sont un brin coupé en quatre, rasés de près et fumés à la Belge. 

on tique un peu devant les raccourcis scénaristiques, comme les fameuses fugues psychiques de Marcella, qui se déroulent toujours au bon moment, sans témoins, ce qui permet d'éviter les questions gênantes. 

La résolution finale n'esquive pas une certaine incohérence mais reste propre. On reste néanmoins un poil sur sa faim, quelques pans de l'intrigues restant flous sans que l'on sache si les showrunners en gardent sous la semelle pour une possible saison 2 ou bien si n'ayant pas de réponses satisfaisantes, ils jettent un voile pudique et artistique sur le toutou...

Une bonne actrice et un récit labyrinthique et intriguant nous empoignent tout de même et font glisser des personnages froids et peu aimables se débattant dans un synopsis parfois aléatoire. 

Mais si saison 2 il y a, pas sûr que ce ne soit pas moi qui fugue, pour le coup...