Prenons un même pitch : du jour au lendemain, aussi soudainement que l'éclatement d'une bulle de savon, plop, 2.5 % de la population s'évapore. Évanouie la personne à qui vous teniez la main, disparus les doigts tenant la laisse laissant le Retriever désemparé, dissipé l'amant, les draps retombant comme un soufflé que l'on perce avec une fourchette.
Imaginons maintenant ce que ferait de ce pitch une grande chaîne généraliste, un grand network américain, puisque c'est là que ça se passe.
Les showrunners dégaineraient certainement une team d'investigation apparemment dépareillée mais ô combien complémentaire in fine. Et l'on aurait certainement droit à une grande explication finale : les n'aliens, les p'tits gars du Futur, une distorsion dimensionnelle, que sais-je... Bref de quoi rassurer le redouté échantillonnage des 18-49 ans qu'il faut pénétrer bien profond, il faut carrément les défoncer les 18-49 ans. Avant et après, on s'en carre le moignon à grand coups de pelle.
Sur une chaîne du câble, c'est différent. On peut se permettre de ne pas se focaliser sur le taux de captation de ces 18-49 ans, enfin de moins se focaliser. Prenons HBO par exemple. L'objectif de cette chaîne est de fidéliser ses abonnés, d'essayer de les rassembler un maximum devant le programme maison et d’essayer d'en attirer de nouveaux. Et pourquoi on s'abonnerait à HBO si c'est pour laper la même soupe servie ailleurs !
C'est pourquoi HBO (entre autres), bien aidée par ses locomotives rutilantes (GAME OF THRONES essentiellement, TRUE DETECTIVE avant la -ouch- saison 2), peut emprunter des chemins de traverse...
2.5 % de la population disparaît soudainement. Laissons la grande énigme irrésolue et plaçons le curseur sur ceux qui restent. Comment vivent-ils cette tragédie ? Quels en sont les complexes engrenages ? L'humain avant tout, la cosmologie mystique nous échappant...
Un an après les événements survenus à Templeton et relatés dans la saison 1, nous retrouvons nos héros qui décident d’emménager au Texas, dans la petite ville de
Comme le proclame fièrement son panneau, Jarden (ou finement renommée Miracle du nom du Parc National la bordant) est l'un des très rares endroits du globe a n'avoir subi aucunes disparitions. Jarden a été épargnée. Bénie ?
C'est ce que semblent penser les masses venant la visiter et payer un prix prohibitifs l'eau de son robinet et autres colifichets. D'autres, plus tenaces, s'installent à sa périphérie (créant de fait une cour des miracles crasseuse de mobil-homes et caravanes), espérant pouvoir s'installer à Jarden et vivre, en sécurité, dans ce nouvel Eden. Car qui nous dit qu'une prochaine Disparition ne va pas se produire ?
L'ex shérif Kevin Garvey, sa nouvelle compagne Nora et sa famille, obtiennent ce Graal et habite désormais une ruine à Jarden, leurs voisins semblent sympas, tout va bien. Tout va bien se passer. Tout va bien se passer. Tout va bien...
Après une première saison de bonne facture, au rythme cependant un peu haché, la deuxième saison de LEFTOVERS décolle littéralement et tutoie la stratosphère.
Le changement de décors qui s'apparente trop souvent à une pathétique tentative de rebooter une série en bout de course (MENTALISTE, au hasard) est ici une idée particulièrement fructueuse. Les nouveaux personnages de Jarden apportent un souffle nouveau et se mixent admirablement avec les anciens.
THE LEFTOVERS brassent quantité de thématiques : la religiosité exacerbée des Staates, le refus de partager quoi que ce soit et la fermeture des frontières... Mais cette série proposent surtout des personnages forts et inoubliables. Et au premier rang le duo des deux interprètes principaux.
Justin Théroux dans le rôle de Kevin, apporte sa virilité fragile, son désarroi poignant allié à un magnétisme quasi animal. Profitant d'une plastique avantageuse, Justin déploie une palette d'émotions étendue, genre le beau gosse charismatique qui sait jouer et qui nous émeut.
C'est agaçant.
Sa partenaire de jeu, Carrie Coon dans le rôle de Nora, n'est pas en reste. Un personnage magnifique. Une femme déterminée, inflexible, traumatisée mais qui se bat , qui envoie chier vigoureusement les superstitions, Jésus et autres conventions mortifères, qui illumine soudain une scène d'un doux sourire.
Magnifique.
Il s'agit assurément du plus beau couple sériel de ces derniers temps. Un duo qui fonctionne, auquel on croit et on s'attache irrémédiablement.
Tout le reste du casting est à l'avenant. Juste un 'tit mot sur la belle Liv tyler :
Elle incarne très justement une tarée illuminée, chef de section de la secte des fumeurs blancs (l'une des trouvailles magistrales de THE LEFTOVERS), sourire charmant et voix doucereuse pour une composition flippée, angoissante.
Étonnante.
Cette saison 2 démarre par un prologue d'une étrangeté absolue, les premières minutes télévisuelles les plus étranges de ces dernières années les filles, je vous le garantis. Les épisodes suivants confirment ce climax mystérieux, décalé, incongru, sans poursuivre cette audacieuse radicalité de son préambule qu'il aurait été vain de maintenir.
Jusqu'au dénouement, énorme, tout simplement.
Jusqu'au dénouement, énorme, tout simplement.
Et on se prend à songer à la série française LES REVENANTS qui palpitent des mêmes ressorts intimes, faire face à l'inexplicable, mais qui s'avère singulièrement foireuse quand on la compare à sa concurrente américaine. Plus charnue, plus intense, bouleversante même.
Ajoutons à cela une utilisation judicieuse d'une bande son qui pulse. Un air d'opéra ou un solo de batterie pour souligner, ce n'est pas commun et quand c'est pile ce qu'il fallait pile à ce plan là, c'est encore plus rare (on peut d'autant plus regretter la scie country nasillarde et insupportable du générique). La scène de karaoké où Kevin chantonne le Homeward Bound de Paul Simon, magistralement touchante, illustre on ne peut mieux mon propos.
Il en faut du talent les aminches pour ne pas nous frustrer en nous refusant un pourquoi du comanche carré et sans fioriture. Nous laisser dans un entre deux sans que l'on se sente spolié.
A vrai dire....
On se sent privilégié.
On se sent privilégié.
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