Bon les aminches, j'avais prévu un long post à propos de Neil Gaiman mais la vie nous réserve parfois des claques inattendues qui bouleversent un emploi du temps, si peu charpenté soit-il.
Polza Mancini est en garde à vue. Il y est pour quelque chose qu'il a fait à Carole.
Les deux policiers responsables de son arrestation l'auditionnent et Polza va raconter son histoire.
Depuis le début. La mort de son père et sa première expérience du Blast. Ce qui le conduit à fuir la compagnie des hommes, à se dévêtir des oripeaux de civilisation qui l'encombrent.
Il veut goûter de nouveau au Blast.
Qu'est ce que le Blast ?
"Un mot anglais difficilement traduisible... Ça correspond à l'effet de souffle, l'onde de choc d'une explosion... Une explosion c'est une onde de surpression... Si elle se propage plus vite que le son et qu'elle entre dans votre corps, elle provoque des dégâts internes considérables... Vous vous retrouvez alors avec cette surpression d'un côté et la pression atmosphérique de l'autre... Suspendu pendant une fraction de seconde, détruit de l'intérieur avant même que la chaleur et les débris ne vous atteignent... Le Blast c'est cet instant là."
Ce n'est pas moi qui le dit c'est Polza. Polza est un monstre. Tout d'abord il est énorme, comme il le dit lui même il pèse deux hommes. Il ne mange pas, il bâfre. Il s'empiffre de barres chocolatées. Il mange sans avoir faim. Et il boit aussi. Il boit pour oublier ce qu'il est. Mais Polza connaît le BLAST. Cette expérience mystique qui l'élève, le rend plus léger que le vide lui même. Bon on pourrait aussi penser que Polza est carrément et méchamment taré. On pourrait le penser et d'ailleurs qu'est-il arrivé à Carole et comment l'a-t'il rencontrée...
Vous savez les filles que je lis beaucoup, et depuis ce début d'année j'ai enquillé de nombreux livres et plus de BD que d'habitude. Mais rien ne m'avait autant remué que ces 4 tomes noirs obscurs. BLAST de Manu Larcenet est une oeuvre magistrale. Un chef d'oeuvre.
Tout d'abord, ce n'est pas un livre mystique, sur le "grand tout qui englobe le reste". Nan. C'est avant tout une oeuvre sur la marginalité, la vraie. Sur la folie. Sur la nature.
Je suis fasciné par ces personnages qui choisissent une ligne de fuite et la suivent. Ceux qui retournent à la Nature, si belle... Tu parles... la Nature rappelle vite qui est la patronne. BLAST ne nous épargne rien des difficultés à vivre en forêt. Polza Mancini s'installe du reste à l'orée de petites villes en été et survit grâce à ses comptes vidés. L'hiver, il squatte les maisons isolées, rapine et vandalise. Il profite aussi de rencontres dangereuses mais salutaires temporairement.
Les dangers de cette (sur)vie en marge n'est jamais occultée. Manu Larcenet n'idéalise pas les punks à chien, les SDF. Il ne les juge pas non plus. Il montre juste le chemin de Polza, sans s'en écarter. Il montre la violence crue, un monde sans loi fait que chacun suit la sienne sans tenir compte de celle des autres... Peu à peu l'on s'affranchit de toute éthique, de toute moralité. Polza en tout cas suit ce sentier.
Pour ce faire, Polza évite ses congénères. Il veut abolir tout contact humain, toute idée d'une quelconque socialisation, si sommaire soit-elle. Comme vous le lisiez plus haut, la conséquence en est que les normes sociétales lui chaut autant que moi le dernier disque de Richard Clayderman. Il ne reconnait plus les lois ordinaires et ça en fait un homme dangereux.
Et puis...
Polza est sujet à des visions, des trips, des hallucinations psychotiques disent les docteurs. Polza n'est pas d'accord, ces visions sont réelles et le BLAST en est l'ultime achèvement... Polza voit ainsi des couleurs et les statues de l'île de Pâques. Des Rapa Nui. En outre, il s'extraie de sa monstrueuse carcasse.
Tout est bon pour revivre le Blast. Le multiplier.
Mais le meilleur dans BLAST, c'est l'addictive tentation de tourner les pages que cela provoque. Je lis moins de BD que de livres et j'ai pour principe de les faire durer, de tenir le plaisir plus longtemps. Là je n'ai pas pu, j'ai dévoré BLAST tout comme Polza ses friandises. Moins d'un après midi. Et pourtant c'est copieux. Je m'en suis mis partout. Bâfreux.
Le fond est passionnant et vertigineux, la forme se hisse et le transcende.
Je n'ai pas de préférence quand au coup de crayon. Je ne suis pas adepte de la ligne claire ni réfractaire. Je ne suis pas partisan du style scalpelisé de certains comics (pas tous) et je n'ai rien contre. Non le principal c'est que le dessin serve le propos et inversement.
Manu Larcenet déploie au long de ces quatre tomes un talent éblouissant. A un dessin minimaliste, épuré jusqu'à l'os dans un noir et blanc somptueux (émaillé ça et là de quelques planches colorisées, les fameux Blast la plupart du temps)...
... Il oppose une langue châtiée, travaillée. Polza se révèle un merveilleux conteur, aux sentences ciselées. C'est un bonheur de paradoxe d'observer et d'écouter cet ogre intelligent, vif, philosophe et tant d'autres choses encore que je ne dévoilerai point ici pour ne rien déflorer.
Ce serait criminel.
Pour le moins.
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